La fabrique du crétin : la mort programmée de l'école - Jean-Paul Brighelli
D’abord, ne pas faire le contresens : il ne s’agit pas d’une fabrique de crétins ou à crétins, mais de la fabrique DU crétin. « Le Crétin dont il s’agit n’est pas le produit de la fabrique, mais son ingénieur, son directeur, son patron. », dixit le préfacier Bernard Lecherbonnier.
Ce livre, qui prend des allures de pamphlet, est aussi excellent qu’affolant. Depuis l’avènement de la Nouvelle Pédagogie, c’est l’hécatombe : éradication du savoir, faillite organisée de l’enseignement, renoncement à la culture, l’école s’épuise juste à formater par le bas des « apprenants » qui seront ouvriers malléables et corvéables à merci pour une industrie immédiate. L’honnête homme et la littérature ont disparu, tout au plus mettra-t-on sur le même plan une biographie d’une star loftstorienne et une œuvre de Racine.
Je me suis souvent surprise à rire (jaune) : phrases mordantes, humour, ironie, et constat effarant dont il faut bien convenir qu’il est réaliste. Et l'auteur a toutes les compétences pour prétendre savoir de quoi il cause. La licence d’aujourd’hui équivaudrait au bac d’il y a 15 ans. Nos enfants ne savent plus écrire une ligne sans 5 fautes d’orthographe, au mieux. Mais ils savent utiliser Internet. Génial. La preuve, mon fils (en 6ème) étudie l’Odyssée sur Internet en ce moment. Ah bon, mais vous avez un livre ? des extraits photocopiés à lire ? Non non on cherche sur Internet ; y a un groupe qui travaille sur le voyage d’Ulysse, un groupe qui travaille sur les femmes dans l’Odyssée, etc. Ah. Mais vous faites quoi exactement ? Ben on cherche sur Internet. Re-ah. Pauvre Homère. Idem pour ma fille, qui est en CM1. Elle passe plus de temps scolaire à faire de la danse contemporaine et des sorties diverses et variées qu’à apprendre sa table de 9. Reste Mosquito, qui du haut de sa Moyenne Section, est aujourd’hui à la ferme pour aller voir la tonte des moutons, et demain elle continuera d’apprendre à écrire son prénom en attaché, tout en sachant compter jusqu’à 50. Et en 6ème, elle n’en saura guère plus. Suis cynique, hein, mais lisez ce bouquin, et vous comprendrez !
Certes l’auteur ne propose pas de solutions (c’est l’objet d’un second livre paru récemment) et on pourrait l’accuser de nostalgie outrancière du bon vieux temps si ses arguments n’étaient pas aussi efficaces et vérifiés.
A lire, vraiment. Mais cela fera-t-il bouger en haut lieu, où politiciens et didacticiens savent mieux que les enseignants ce qu’il faut faire ?
Ed. JC Gawsewitch, sept. 2005, 218 p., ISBN 2-35013-035-5, prix : 16,90 €
Ma note : 4,5/5