Le nouvel amour - Philippe Forest
Dans mon esprit, Philippe Forest est l’écrivain de l’enfant perdu (cf ce titre, entre autres). Celui qui
d’un livre à l’autre parle du décès de sa petite fille, et de la façon dont lui-même et son épouse l’ont vécu. Ici, il se fait plus intime, plus impudique, en décryptant son nouvel amour, tant
dans sa façon de l’approcher par la réflexion que dans ses problèmes d’érection. J’avoue avoir été nettement moins intéressée et partager souvent de l’avis de Bernard, internaute qui en parle
ici.
Pourtant, je ne réussis pas à désapprouver complètement ce livre non plus. Sa relation triangulaire entre son épouse qu’il ne réussit pas à quitter (elle reste la mère de l’enfant qu’ils ont perdu, et ils sont les seuls à pouvoir partager cela) et Lou, la jeune femme qui devient sa maîtresse et avec qui il ne parvient pas à vivre totalement, est décortiquée dans sa moindre pensée, dans son moindre échec ou bonheur, un tel jusqu’auboutisme dans l’écriture est surprenant. Il reste néanmoins de très belles pages sur l’amour dans lesquelles on peut davantage se retrouver, parce que pour le reste, même si la démarche est très littéraire, la vie sexuelle de Monsieur Forest ne m’intéresse guère.
Mais parce que c’est plus que cela, ce nouvel amour mérite qu’on s’y arrête, et je ne me dépars pas de l’idée de lire tout Philippe Forest, pour le deuil, et pour sa façon d’entrer en littérature.
P. 90 : « Aux toilettes quand elle voulait que je la rejoigne, elle laissait la porte ouverte. J’entrais. Je m’agenouillais sur le carrelage devant elle et l’embrassait profondément, faisant tourner ma langue dans sa bouche tandis que j’écoutais le bruit qu’elle faisait en se vidant dans la cuvette, la robe relevée, les cuisses découvertes sur lesquelles je posais mes deux mains que je remontais jusqu’à ses hanches. J’écris ces choses non pas parce que je les pense uniques – avec toute femme amoureuse de moi, j’ai vécu les mêmes scènes – mais parce que je ne les ai jamais lues dans un livre. »
p. 94 : « J’aimais tout de Lou et pourtant je ne cessais jamais complètement de penser à Alice.
L’amour de l’une n’enlevait rien à l’amour de l’autre et le laissait intègre, intact. Chacun de ces amours faisait naître comme un monde à part et parallèle où il était le seul souverain. »
Folio Gallimard, janvier 2009, 213 pages, prix : 5,50 €
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Crédit photo couverture : © Jason Hetherington / Getty Images (détail) et éd. Gallimard