Quatre soeurs - Malika Ferdjoukh
Pour vous parler des quatre soeurs de Malika Ferdjoukh, j'ai préféré achever la lecture de la série. Je vous ai donc fait attendre... Ce fut long (non, en réalité pas assez) mais ce fut bon ! Très bon !
Tome 1 : Enid
A bien y réfléchir, je crois que c'est la première fois que je lis un roman de Malika Ferdjoukh. Ah comme j'aurais aimé lire ces quatre soeurs quand j'étais enfant ! L'école des Loisirs les conseille pour les 12-16 ans, je pense qu'on peut même les lire avant, dès 10-11 ans, pour les filles passionnées de lecture.
Les quatre soeurs Verdelaine sont en réalité 5 : il y a Charlotte, l'aînée, toujours appelée Charlie, il y a Geneviève, qui garde fièrement son secret (sous couvert de baby-sitting, elle fait tout autre chose), Bettina, 13 ans, toujours entourée de ses copines Denise et Béhotéguy, formant ainsi la DBB (la Division Bête et Méchante), Hortense, plus secrète, qui écrit son journal intime, et enfin Enid, la petite dernière, 9 ans, qui dort avec ses chats Ingrid et Roberto.
Charlie a la charge de la maison (lourde intendance, surtout quand on n'a pas le sou !) et de ses soeurs depuis le décès accidentel de leurs parents, dix-neuf mois et vingt-deux jours plus tôt. Une galerie de personnages secondaires gravite autour, tous aussi délicieux les uns que les autres. Ce roman est somptueux, mêlant avec talent l'aventure, l'humour, les petits tracas et préoccupations amoureuses des ados : on vibre, on rit, on a vite envie de savoir la suite.
J'ai aimé particulièrement cette atmosphère un peu hors du monde, ambiance effrayante avec cette maison isolée sur la falaise en bord de mer, cette enquête au fond du puits menée courageusement par Enid pour retrouver sa pipistrelle disparue depuis la chute du sycomore, et qui trouvera au passage la clé de ce fantôme bruyant qui perturbe ses nuits. On ne sait pas très bien à quelle époque on est, impression sombre de XIXème siècle, on pense aussi aux orphelins Baudelaire, alors que le reste du récit nous mène dans des événements tout à fait contemporains (On y cite même Harry Potter). Bref un petit côté surnaturel (les filles discutent souvent avec les apparitions de leurs parents décédés, chacune croyant que ça n'arrive qu'à elle), du mystère, de l'aventure, de l'amitié, une grande tendresse et pas mal d'humour pour nous raconter les jalousies et facéties de ces cinq soeurs.
Vite, je cours me plonger dans le tome 2 !
EDL, coll. Medium, mars 2003, 138 p. ISBN 2-211-06957-6, prix : 8 €
Ma note : 4,5/5
Tome 2 : Hortense
Le tome 2, s'il garde toujours la même malice, est un peu moins prenant que le précédent : on y perd tout le côté aventure mystérieuse vécue par Enid. Chaque tome met en avant l'une des quatre soeurs, dans celui-ci, il est question d'Hortense, de son journal intime dont elle nous livre des extraits, et surtout de la pièce de théâtre à laquelle elle participe, et de la couturière qui lui retourne l'estomac de trac (la couturière, c'est ainsi qu'on nomme la première représentation publique). Dans chaque tome il y a également une « guest star » : dans Enid c'était la jeune Colombe, dans Hortense c'est la petite Muguette, en villégiature santé à côté, petite fille très malade et courageuse, qui sympathise avec Hortense. Pourtant, en dépit de ces accents voulus sur une soeur à chaque volume, il m'apparaît que le vrai personnage principal, c'est toujours Bettina, avec ses inséparables copines Denise et Béhotéguy. Est-ce parce que Bettina est la plus représentative de l'adolescente en crise, avec ses heures passées dans la salle de bain et ses amours contrariées ? Dans ce deuxième tome elle est en effet amoureuse de Merlin, le livreur de surgelés, mais voilà le problème : il est très laid. Elle passera son temps à être cruelle avec lui, tout en reconnaissant ses qualités de coeur : ah, dilemme ! Geneviève me parait toujours effacée, malgré ses cours de boxe thaïe avoués, et Charlie continue d'en dépêtre avec la chaudière en panne et l'envahisseur Mycroft (un gros vilain rat !). Chaque tome se termine également sur une blague ou un jeu de mots autour de Tante Lucrèce, ce qui crée une unité complémentaire à la série, sous forme de clin d'oeil malicieux. A suivre, car on veut connaître la suite des aventures !
EDL, coll. Medium , mai 2003, 191 p. ISBN 2-211-06960-6, prix : 8 €
Ma note : 4/5
Tome 3 : Bettina
On retrouve les soeurs Verdelaine avec toujours autant de plaisir dans ce troisième et avant dernier tome de la série. Il y a cette fois une vraie continuité avec le tome précédent, dans la mesure où l'on continue d'avoir des nouvelles de la petite Muguette, à présent hospitalisée, et où Bettina tentera de revoir son amoureux de chez Nanouk Surgelés : le si extérieurement laid mais si intérieurement beau Merlin. Paradoxalement, bien que ce titre soit consacré à Bettina, je ne trouve pas qu'elle soit au centre de l'ouvrage, contrairement aux précédents où justement, elle avait beaucoup de présence. Ici, c'est plutôt Charlie qui est mise en avant, nouvelle histoire d'amour oblige, je n'en dis pas plus. En effet, la petite tribu étant vraiment à court d'argent, il a fallu se résoudre à louer une partie inoccupée de la maison, comprenant entre autre la chambre de leurs parents décédés. Ce tome invite aussi à la Vill'Hervé les deux petits cousins Harry et Désirée, qui ne sont pas les derniers pour semer la zizanie, en particulier avec Harry, qui trouve très amusant de domestiquer des cafards et des vers de terre.
Un troisième volume qui offre une belle unité dans les aventures des cinq soeurs, avec un panorama plus large, même si Geneviève est toujours la plus effacée. Une intrigue courageuse aussi, où l'auteur ne cède pas à la facilité : chagrins d'amour et d'amitié, donc souffrance, soucis de jeune fille avec apparition des premières règles chez Hortense, bref une belle plume pour les filles dès 11 ans.
EDL coll. Medium, sept. 2003, 201 p. ISBN 2-211-07006-X, prix : 8 €
Ma note : 4,5/5
Tome 4 : Geneviève
Et le meilleur pour la fin...
Ce dernier tome est consacré à Geneviève, 16 ans, la plus discrète de la famille. C?est le début de l'été (et donc des vacances) et les filles vont s'éparpiller. Geneviève, toujours aussi sérieuse, va travailler à vendre des glaces sur la plage tout le mois de juillet. Ce qui ne l'empêchera de rencontrer l'amour (compliqué, cet amour-là) et de se lâcher un peu : finies les lessives familiales ! Bettina va partir en camping à la ferme avec ses inséparables copines, Enid et Hortense vont partir chez les cousins à Paris.
Ce dernier volume continue de mêler petites aventures féminines, responsabilités d'orphelines obligées de mûrir plus vite, amours, amitiés, facéties et humour : bref, un bel apprentissage de la vie. Charlie retrouvera son amoureux, Enid et Hortense nous donneront un aperçu du Paris triste et dur où le logement fait cercle vicieux avec la misère, Bettina gardera son ptit côté rebelle tout en sentant à nouveau son coeur vibrer ...
Une saga qui s'achève en apothéose et qu'on quitte à regrets : on est si bien avec ces soeurs Verdelaine, que ça devrait durer toujours. Même si l'on sait leur avenir positif, on regrette que ces plus de 600 pages cumulées s'achèvent là.
EDL coll. Medium, nov. 2003, 216 p. ISBN 2-211-07096-5, prix : 8 €
Ma note : 5/5
Et je comprendrais presque la lectrice qui a failli m'engueuler à la bibliothèque, en tout cas à qui j'ai eu beaucoup de mal à faire accepter que « oui elles sont cinq soeurs dans l'histoire mais non il n'y a que quatre tomes ». La tomaison suivant l'âge des soeurs, de la plus petite à la plus grande, cette lectrice me soutenait qu'il y avait nécessairement un tome 5 consacré à Charlie, l'aînée. Et que mon boulot état de le lui trouver. J'avoue qu'aujourd'hui je la comprends un peu, mais ces quatre soeurs (ce titre n'est pas là pour rien quand même !) sont bien une tétrade, formant une unité parfaitement écrite (je pèse mes mots), drôle, tendre, riche et aboutie. Quant au pourquoi du comment, j'imagine que c'est parce que Charlie est majeure, adulte et chargée de famille en lieu et place des parents défunts. Elle occupe donc une place un peu à part dans la fratrie.
Le seul moyen de prolonger ce bonheur de lecture, c'est de continuer à l'offrir : si vous avez une nièce, une cousine, une fille, une soeur, bref une petite chose féminine approchant les douze ans autour de vous, offrez-lui ces quatre volumes réunis sous coffret, elle vous en remerciera longtemps. (Non pas que ce ne soit pas pour les garçons, mais je doute qu'à cet âge-là, ils aient ces préoccupations-là !)
(mémo pour Noël 2007 : l'offrir à ma grande fille !)