Mouche' – Marie Lebey
En commençant ce roman, je voyais déjà la longue liste de clichés qu'on peut y aligner : une fille qui raconte sa mère alors que cette dernière est très âgée, le récit est autobiographique (l'auteur n'hésite pas à se nommer dans le texte) bien que roman soit écrit sur la couverture, le livre est dédicacé à Nathalie Rheims qui publiait le même genre de récit chez le même éditeur il y a moins de six mois, toutes les filles ont quelque chose à régler avec leur mère, alors si toutes les filles doivent sortir un bouquin, on n'est pas rendu, et si en plus celui-ci s'ouvre sur la plongée en fosse de piscine, rappel du liquide amniotique, tout cela, n'en jetez plus ! Ajoutez-y une pincée de culture classique, l'apologie de Proust et la visite guidée du Grand Hôtel déjà mainte fois lue, et la ville de Cabourg a trouvé son nouveau faire-valoir.
Et puis, et puis.. C'est vrai qu'il y a quelque chose dans l'écriture, le sens de la formule, un côté vachard et tendre à la fois, Mouche' avec son apostrophe finale en clin d’œil est un personnage haut en couleurs, avec un petit côté burlesque.
p. 25 : « Mes trois garçons s'étaient attachés à cette grand-mère belge un peu braque, qui refusait d'être appelée mamie pour prendre le nom plus énigmatique de mouchka, qui signifie bonne-maman en russe, mais que ses petits-enfants derrière son dos surnommaient « Mouche' ».
Plus personnel :
p. 65 : « A la mort de ma sœur, je perdis ma mère. Je devins cette adolescente qui passait inaperçue aux yeux de tous. Et comme c'est toujours les meilleurs qui partent en premier, j'en avais pris pour un bail sur cette terre. »
p. 89 : « Je n'ai pas le souvenir que Mouche' ait jamais posé sur moi un regard de mère. Je veux parler de cette tendresse qui irradie un enfant, comme un soleil aveuglant. Son regard blessant me donnait des coups. Mes défauts ressortaient comme des bleus. Sous couvert de faire de l'humour, elle se moquait de moi. Si elle m'aimait ? Oui, sûrement, ce qui la rendait plus dangereuse encore. Les rares fois où elle avait eu pour moi un geste affectueux, sa main était glacée. »
Rien de très novateur me direz-vous. Il y a quelques passages plus fantasques, un brin cocasses, mais là aussi, j'imagine qu'on a tous quelques originaux dans nos familles. Finalement, ce que j'ai le plus aimé, c'est le regard de l'auteur sur ses trois enfants, sa relation avec eux (ils sont adultes à présent), ses trois mecs qui ont baigné dans le foot, père footballeur célèbre, et le verdict de la mère sur cette ambiance :
p. 103/104 : « Trois fils de footballeur, c'est trois garçons qui pensent sincèrement que taper dans un ballon, c'est un vrai métier, et que l'histoire ou la géographie ne servent à rien. Le foot aura été ma croix. Je l'ai portée sous la pluie deux fois par semaine lors des entraînements et les dimanches à l'heure de la sieste […] Remplir le frigidaire tous les deux jours. Continuer à acheter des livres qu'ils n'ouvrent jamais. Partir faire valider avant 18 heures le bulletin de Cote et Match, en sachant pertinemment que s'ils gagnent au loto, ils ne me paieront pas la piscine de mes rêves, mais un séjour dans la maison de retraite la plus proche. »
Conclusion ? Et bien même l'auteur vous la donne : (p. 124) « Avec l'âge, Mouche' rétrécit, se lyophilise un peu plus chaque jour, mais son esprit reste intact. Elle trouve que mes livres n'ont pas grand intérêt, mais que j'ai un petit quelque chose. »
CQFD.
Ed. Léo Scheer, janvier 2013, 124 pages, prix : 18 €
Etoiles :
Crédit photo couverture : éd. Léo Scheer.