Chambre 2 - Julie Bonnie
Béatrice est auxiliaire de puériculture dans une maternité. Elle livre son regard sur ce premier rapport à la maternité, ce lien mère-enfant qui se noue dans l’intimité des chambres, et sur la réalité que renferment ces pièces. C’est parfois violent, mais toujours juste. « Chambre 2 », c’est une histoire terrible, celle d’une mère devenue folle parce qu’elle a perdu à la naissance une des jumelles qu’elle portait. Cette chambre 2 ouvre et clôt le roman, et permet à la narratrice de se révéler à elle-même. En parallèle de ces histoires de vie et de mort (oui il y a des morts en maternité, beaucoup plus qu’on ne l’imagine), Béatrice narre son parcours de danseuse nue au Cabaret de l’amour, un spectacle monté avec son compagnon Gabor, leur ami Paolo, et les deux Pierre, amants dans la vie et travestis à la scène. Vie de bohème et naissances singulières de ses enfants, récit du corps qui s’impose à travers la danse (et la naissance), quelque chose de profond s’entremêle dans ces parcours successifs d’artiste et de puéricultrice après un nouveau drame de la vie.
Un roman forcément touchant, que certains jugeront peut-être sombre ou violent, qui égratigne au passage les rapports des personnels soignants entre eux et à l’égard des patients, mais qui transmet aussi une force vive, lumineuse, singulière.
J’ai aimé ce regard lucide sur ce qu’on tait habituellement en maternité, la naissance n’est pas que douceur tendre et amour, il y a des douleurs, des souffrances, des morts, des pleurs, des difficultés à être mère, à supporter son corps, et tout ce qui en sort. Intransigeant, tout comme la description du microcosme des personnels soignants.
Julie Bonnie a du talent, c’est indéniable, une plume acérée et forte, en révolte.
Prix du roman FNAC 2013.
p. 92/93 : « Je ne sais pas si c’est un passage obligé, mais quand on a perdu un bébé on se rend compte qu’on peut donner la mort.
C’est une possibilité. Donner la vie / donner la mort. Donner la vie donner la mort.
Le corps peut fabriquer l’un ou l’autre. Pas forcément par notre faute, pas du tout notre décision. On est dépossédé du choix.
Tu voulais un bébé vivant ? Tu en as un mort. Tu voulais un bébé mort ? Il est vivant. Tu as un bébé vivant ? Il peut mourir.
On ne pense pas assez à la mort quand on donne la vie.
Ou plutôt, on nous interdit de penser à la mort. Les pensées morbides voient rappliquer les psys et autres magiciennes de la normalité.
Pourtant, quand on a perdu un bébé, la mort reste en nous pour toujours tel un organe vital et on sait, mieux que quiconque, ce qu’est la vie. »
Belfond, août 2013, 185 pages, prix : 17,50 €
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Crédit photo couverture : © Bruno Ehrs / Corbis et éd. Belfond