Billie - Anna Gavalda
La première critique que j’ai lue de ce roman, c’était celle de l’Obs qui titrait « Mauvais, c’est tout » et qui avait tout de convaincant dans son argumentation. La seconde, c’était celle – tout aussi négative – de Joachim, un libraire que je ne connais pas mais dont j’apprécie les critiques sur le net, qui pour moi sont « fiables ». Ça commençait donc mal.
Billie, c’est l’histoire de deux paumés de la vie qui vont s’aimer très fort malgré tous les barrages semés sur leur chemin. Franck et Billie, en hommage au Frank et Billy de Laurie Colwin. (Restez en à Laurie Colwin !)
Moi qui aimais tant les premiers écrits de Gavalda, quelle déception ! Une histoire très mince (avec une fin qui rachète un peu l’ensemble en lui donnant enfin un sens, mais quand même…) et surtout, un style absolument insupportable. De l’argot, du vulgaire, du familier, de l’oralité si travaillée qu’elle paraît artificiellement créée, et ça devient vite pénible. J’ai eu envie d’abandonner un peu avant la moitié, et puis je me suis forcée (quand même, c’est Gavalda, celle que j’aimais tant...), je n’aurais pas dû, cela n’a fait qu’accroitre mon agacement. L’âne de la couverture qui a fait le buzz sur le net avant même la sortie du livre a bien un sens (et une existence) dans la fin du roman, mais faut-il en supporter du vide avant d’y arriver. A croire que l’auteur a cherché à écrire le roman le plus vulgaire de l’année (c’est réussi), en tentant de nous faire croire que tel est bien le langage du quart-monde qu’elle imagine.
Je n’ai qu’un profond soupir sur cet exercice de style forcé, et quand dans la foulée j’ai ouvert le dernier Zeniter, j’ai respiré d’allégresse. À trop s’écarter de sa voie, on tombe. A comprendre dans les deux sens : l’exercice voulu par Gavalda qui a radicalement changé de style, et la déception du lecteur qui se force à lire un trop mauvais livre.
p. 50 (en numérique) : « Quand t’en as trop marre de mes histoires, tu m’envoies un kit avec une civière et deux jolis garçons pour ressusciter mon Francky et je te lâche la grappe direct, promis.
(Hé, te fatigue pas… Choure-les chez Abercrombie, comme ça ils seront déjà montés.) »
[je doute qu’Abercrombie soit une référence des sans-le-sou non parisiens]
p. 74 : « Notre public nous sembla acquis et ensuite, nous fi… nous fu… merde, attends, je me repermute en v.f., sinon je vais trop misérer, et ensuite nous avons simplement redit ce que nous savions absolument par cœur à force de l’avoir rabâché encore et encore dans la petite salle à manger mortuaire de Claudine »
[oui Musset avec On ne badine pas avec l’amour tient une place importante dans l’histoire, un peu trop collé là pour ajouter du liant]
p. 137 : « Qu’est-ce que j’avais fait, moi, en quatre ans ?
Rien.
Taillé des pipes et trié des patates…
J’étais décalquée de tristesse. »
[Sauf qu’après 137 pages de ce registre, le lecteur est déjà essoré, n’en jetez-plus.]
p. 180 : « Entre M. Biendégagé et moi, ça commençait déjà à sentir un peu la merde.
J’aimais pas comment il parlait à sa femme (comme à une conne) et j’aimais pas comment il parlait à ses enfants (comme à des cons). (Dès que je m’énerve, je lourde les négations, vous avez remarqué ?) (Chassez le naturel et, direct, y a les Morilles qui refoulent à mon goulot.) (Direct.) (Hélas.)
Il n’arrêtait pas de flairer Franck parce qu’il commençait à se douter que c’était un homme oh, comme ils disent et ça me mettait dans un état de nerfs pas possible. Cette façon qu’il avait de lui flairer le cul comme si c’était un chien, ça me débectait ».
Le Dilettante, octobre 2013, 224 pages, prix : 15 € (4,99 € en numérique)
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Crédit photo couverture : © Photo de Jean-Louis Klein et Marie-Luce Hubert / Biosphoto et Ed. Le Dilettante