Les jardins d'Hélène

Juste avant que - Joanne Richoux

8 Avril 2025, 18:24pm

Publié par Laure

Dans un futur proche, le monde s’est délité : climat, émeutes, plus rien ne tient et c’est d’ailleurs la panne générale des réseaux sociaux et de l’internet. Autant dire l’apocalypse. Les gyrophares et les alarmes retentissent partout, mais ils sont là, amoureux dans une chambre, à vivre leur désir, juste avant que…

Quel texte splendide, qui n’épargne pas sur la réalité sociale du monde actuel. On ne connaîtra pas les prénoms des deux protagonistes. Elle est un peu à l’écart, car c’est son frère addict qui a occupé les devants de la scène familiale : cliniques, avocats, thérapeutes. Son meilleur ami est dépressif, en souffrance aussi face à la solitude de sa mère, père absent, envolé avant la naissance.

L’expression du désir est très bien rendue, avec force et délicatesse à la fois, la tension se manifeste tant dans l’intime que dans le monde extérieur, avec des mots justement choisis.

C’est une lecture qu’on ralentit pour ne pas la refermer, qui n’épargne pas le lecteur par son acuité glaçante sur le monde, mais qui étreint par son urgence à (s’)aimer.

 

p. 53 : « Les réseaux, ça leur servait à tout, ils promouvaient leurs idées sur Twitter, ils communiquaient via Facebook, ils sculptaient leur narratif sur Instagram. Puis y a eu les influenceurs. D’abord des idiots de téléréalité qui fourguaient des produits à leurs followers, discrètement. Ça a contaminé le public, on a estimé que recevoir du mascara gratos et donner son avis dessus, c’était un métier, que poster des vidéos d’une minute nécessitait un salaire. Ces influenceurs ont pullulé, sans impératif de qualité ni d’originalité, sans législation. Ils se prétendaient authentiques, des « comme vous », à ceci près qu’ils étaient friqués, superficiels, interchangeables. Surtout, ils avaient des produits à vendre. Au-delà d’un catalogue de pub international, les réseaux tenaient lieu de tribune. »

 

p. 80 : « Vivez votre vérité, sans désir qu’elle soit approuvée par quiconque. Vous n’avez ni raison ni tort, et vous n’avez pas à justifier ou à négocier vos ressentis. En échange, autorisez les autres à avoir leur version de l’histoire. Tant pis si le rôle qu’on vous y prête ne vous convient pas. »

 

 

 

 

Ed. Thierry Magnier, coll. L’ardeur, janvier 2024, 118 pages, prix : 13,90 €, ISBN : 979-10-352-0703-8

 

 

Crédit photo couverture (qui soit dit en passant est sublime) : Modèle : Arthur Roussel, Photographe : Clémence Demesme @Le Crime / éd. Thierry Magnier

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V
Décidément il y a de belles choses dans cette collection ! Ton billet me donne furieusement envie de découvrir ce texte.
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L
Oui, je ne les aime pas tous autant mais celui-ci m'a vraiment plu ! :-)