Un minuscule inventaire - Jean-Philippe Blondel
Antoine, prof d’anglais, la quarantaine, est seul à présent. Anne l’a quitté avec leurs deux enfants, Mathilde et Léo. Avant de mettre les voiles, il met en vente quelques bricoles personnelles sur un stand de vide grenier dans son quartier. Au fil des ventes c’est l’histoire de l’objet qui refait surface, et par là même l’enfance, l’adolescence, le début de la vie adulte d’Antoine qui nous sont reconstruits. Puis quand le parcours d’Antoine est achevé, c’est celui des acheteurs qui apparaît. Si je suis moins éblouie par ce procédé qui mêle les parcours des personnages que je ne l’avais été dans Accès direct à la plage (cf. mon commentaire de novembre 2005 sur Amazon), j’aime les émotions qui se dégagent de ces phrases simples et les trouvailles (la construction du livre) qui font que non, ce n’est pas un simple inventaire qui se voudrait nostalgique. Certains diront (je l’ai lu récemment) que Blondel écrit toujours le même livre, je n’ai pas ce sentiment, même si le procédé d’écriture peut y faire penser. Antoine dans cet inventaire est prof d’anglais, et si j’imagine que chaque écrivain met toujours un peu de lui, volontairement ou non, dans ses livres, je me demande quelle part est réellement autobiographique dans celui-ci.
J’aime tout particulièrement le chapitre sur le stylo plume, la transmission de génération en génération et tout ce qui est dit autour de la lecture et de l’amour de l’écriture, idée que je trouve magnifiquement reprise dans la fin du livre.
Ce chapitre a fait remonter à ma mémoire combien j’ai pu fréquenter seule la bibliothèque de mon quartier quand j’ai été en âge d’y aller seule, et combien les livres ont été mes compagnons d’enfance. Puis cette anecdote aujourd’hui, avec ma fille qui va avoir 10 ans. Lors d’une banale prise de sang l’autre jour, Anne-Claire regardait avec attention la seringue, son sang qui remplissait le petit tube, l’infirmière lui a demandé quel métier elle aimerait faire plus tard. – Infirmière ? Anne-Claire a répondu : non, auteur. L’infirmière a compris « notaire » et elle en a été surprise. Ma fille a corrigé : non, auteur, écrire des livres. Je suis toujours étonnée de son rêve de petite fille, car elle n’écrit pas du tout aujourd’hui, pas même un journal intime ni des lettres à ses copines. Au moment de laisser nom et adresse, l’infirmière me dit : ah, mais vous êtes la bibliothécaire ! Alors c’est normal qu’avec une mère bibliothécaire elle ait envie de devenir écrivain !
Anne-Claire ne lit pas énormément, plus que d’autres enfants certes, et moins que son frère au même âge. Mais dans sa valise de colo je glisserai l’agenda de l’apprenti écrivain de Susie Morgenstern que j’ai acheté pour elle. Peut-être pas le bon moment (je préfère qu’elle se fasse des copines là-bas au fin fond de l’Auvergne au milieu des poneys), peut-être encore un peu jeune (ce livre est conseillé à partir de 12 ans), mais j’ai eu envie d’encourager son rêve. Et après avoir lu Blondel, je glisserai en plus un joli stylo, même s’il aura plus probablement la griffe d’une petite souris allemande bien connue.
Et puis peut-être un jour quand je réaliserai mon petit inventaire à moi, au rayon des souvenirs, je me rappellerai combien d’heures j’ai pu passer les yeux dans le vide, le livre de Blondel toujours ouvert à la même page, puis le torrent de larmes et mon incapacité à déchiffrer les lignes troubles. Non pas à cause des phrases de Blondel, c’est juste tombé sur lui, par hasard, puis le tourbillon légèrement apaisé, j’ai commandé un livre pour comprendre les sectes, leur fonctionnement et comment aider les familles et les victimes.
Robert Laffont, août 2005, 297 p., ISBN 2-221-10442-0, prix : 20 €
Ma note : 4/5