D'autres vies que la mienne - Emmanuel Carrère
Des critiques et des lecteurs enthousiastes, un livre déjà plusieurs fois primé, j’hésitais à ouvrir ce dernier Carrère que je savais différent d’un roman russe, parce que justement, ce roman russe, moi je l’avais adoré. Ces autres vies, antérieures dans le temps mais écrites après, lui redonnent sens et place dans la vie de l’écrivain.
La première partie racontant le décès d’une petite fille de 4 ans, Juliette, dans la vague du tsunami au Sri Lanka en décembre 2004, me paraît longue et ennuyeuse, et assez peu en lien avec toute la plus grande partie suivante : la maladie de sa belle-sœur, son second cancer dont elle décèdera à 33 ans, laissant un mari et trois petites filles, et l’histoire du collègue de travail de Juliette, juge d’instruction lui aussi, boiteux comme elle suite à un cancer, et leur lutte commune contre les organismes de crédit qui favorisent le surendettement en France.
Ce sont peut-être « d’autres vies que la sienne », mais n’en déplaise, on y trouve beaucoup la sienne, sa façon de voir les choses et de s’y trouver mêlé, des rappels à son travail d’écriture sur Jean-Claude Romand, des retentissements de ces événements sur sa vie personnelle et familiale, son engagement amoureux. Carrère s’est-il fait plus humble que dans un roman russe (ce qui lui avait été souvent reproché ?) Je ne crois pas, je le vois toujours de la même façon. Non, ici comme ailleurs, Carrère a un talent indéniable d’écrivain, et ce qui me semble le plus proche de la littérature ici, c’est que par le biais de quelques vies, il nous donne à voir une réalité du monde, entre maladie et souffrance, injustices et peines, entre profits et misère. Parce qu’au fond, la vie de sa belle-sœur et de cet autre juge inconnu, soyons honnêtes, tout le monde s’en moque, à moins que vous ne soyiez curieux de sa vie privée et de celle de son entourage, ce qui serait une autre forme de lecture people, ou qualifierait ce roman d’aussi autofictif qu’un autre, or personne ne s’insurge cette fois, c’est donc que ce qui intéresse ici, c’est la portée générale qu’il donne à quelques vies particulières.
D’autres lectures : Clochette, Anne, Cuné, ...
L’excellent article de Télérama
P.O.L. , mars 2009, 309 pages, prix : 19,50 €
Ma note :
Crédit photo couverture : éd. P.O.L.