Attendre – Sandrine Roudeix
Lola, 16 ans, attend dans un café la venue de son père qu’elle n’a jamais vu. Du genre envolé à sa naissance. Elle lui a envoyé ce simple texto : « Je suis votre fille. Si vous avez envie de me voir, je vous attendrai demain à dix-huit heures au Zinc » et espère qu’il y répondra par sa présence.
L’auteur a construit son roman en trois parties clairement annoncées : Elle donne d’abord sa voix à Lola, 16 ans, 1er mai 2009, à la recherche de son père, puis elle donne la parole à sa mère, Marie, quatre plus tôt, le 30 avril 2005, pour finir par le père, Pierre, 12 ans plus tôt encore, le 1er mai 1993, à la naissance de sa fille, alors qu’il n’avait lui-même que 17 ans.
Que s’est-il réellement passé dans l’esprit de chacun et dans leurs relations ?
Attendre est un premier roman que j’aurais aimé aimer. (Parce que le roman est arrivé dans ma boîte aux lettres, dédicacé à mon nom, alors que je ne connais personne chez Flammarion. Je fais bien quelques supputations de liens mais voilà, c’est toujours une bonne surprise). Parce que le thème me semblait intéressant, et si la construction n’est pas particulièrement nouvelle, elle me semblait prometteuse d’explorations intérieures différentes. Alors dommage, car pour moi il y a quand même du bon dans ce premier roman, notamment dans la voix du père, qui me semble être la partie la plus aboutie, la mieux travaillée, la plus réaliste en tout cas, et la plus émouvante aussi. Mais il y a aussi beaucoup de maladresses. Un tic de langage qui m’a vite insupporté : l’auteur use et abuse des comparaisons, ok, mais des comparaisons souvent étranges et à mon avis totalement inutiles. Passe encore qu’elle les attribue à un personnage, mais aux trois, qui sont censés user de voix différentes, ça ne passe plus.
Exemple :
p. 33 « Un souffle chaud vient cogner sur mes joues comme un fumet de gambas flambées » (quand son père lui parle, je ne vois pas le rapport avec les gambas)
p. 34 « je vois passer dans ton regard une émotion fugace comme un effluve de cigarette » (la cigarette est un truc qui pue longtemps non ? alors émotion fugace...enfin ça c’est ma réaction de non-fumeuse !)
p. 35 « Tes paroles tombent, mal, dans mes oreilles, mais je me reprends et essaie de les évacuer comme l’eau trouble dans une baignoire qu’on vient d’utiliser » (là encore, j’ai du mal avec l’association paroles douloureuses et bain à vider mais ça doit être moi…il est si sale que ça votre bain à vous ? oui je sais les produits cosmétiques machin tout ça c’est pas de la crasse ! et il se vide si mal que vous ne pouvez qu’essayer d’évacuer l’eau sans être sûr d’y parvenir ?)
p. 38 « Tu es bourré, visiblement alcoolique avec tes petites veines explosées sur le visage comme des vers rouges dégueulasses » (oui ça c’est vraiment dégueulasse comme comparaison, on est d’accord, mais les vers, ça bouge, ça grouille, ça remue, la couperose, non)
p. 39 « Alors je laisse tes questions glisser sur moi comme sur le capot huileux de la vieille Clio de maman. » (Vous laissez glisser beaucoup de choses sur le capot de votre voiture vous ? et pourquoi huileux ? crasseux sans doute, mais pas huileux, il ne pleut pas de l’huile dehors, même par chez moi)
p. 44 « Mais j’avais le ventre chiffonné comme un vieux chemisier… » (on ne parle pas de vergetures hein mais de malaise intérieur)
p. 45 « Tandis que j’essuie une goutte de transpiration sur mon front comme sur une vitre sale… »
p. 48 « alors que les étoiles brillaient encore dans le ciel comme des petites mains d’enfant »
p. 50 « Une mère habillée en jean et chemisier blanc avec un serre-tête épais en velours bleu marine traîne un bébé comme un Caddie derrière elle »
p. 51 « Tout s’est enchaîné comme dans un poème sans virgule, … »
Etc. etc. A la relecture comme ça, ça ne choque presque plus, mais sur le moment, je les ai trouvées trop nombreuses, trop rapprochées, trop lourdes, trop « cliché », ces comparaisons, et surtout, inutiles.
La deuxième partie se passe presque totalement dans la voiture de la mère, quand Lola avait 12 ans, à la sortie du collège. Sa mère passe la chercher pour lui dire enfin la vérité sur son père, lui ouvre la portière avant de la voiture, fait basculer le siège pour qu’elle puisse aller s’asseoir derrière (apparemment c’est une Clio 3 portes et non 5), et toute la discussion va avoir lieu la mère à moitié retournée sur son siège conducteur et la fille sagement assise à l’arrière. A 12 ans ??? Laissez-moi rire. Vous savez à quoi ressemble une enfant de 12 ans ? Vous savez que les enfants ont le droit de s’asseoir sur le siège passager AVANT dès 10 ans ? Vous savez que je n’ai jamais vu aucun enfant en âge de monter DEVANT aller s’asseoir derrière quand la place de devant est libre ? Et pourtant, j’en vois beaucoup des collégiens descendre des voitures tous les matins ! Est-ce volontaire, cette invraisemblance totale, pour je ne sais pas moi, infantiliser sa fille ? Remarquez, quitte à parler dans une voiture, espace clos, autant coincer la gamine derrière, sans portières par où elle pourrait s’enfuir. C’est peut-être ça l’astuce ?
Ah si, un dernier truc dans la troisième partie que je trouvais pourtant meilleure : à la naissance, Lola pesait 3,6 kg (beau bébé donc) et mesurait 59 cm. Oui, 59 cm. La moyenne va plutôt de 48 à 52 cm, même mes maousses de 3,9 kg ne faisaient que 52 cm, alors wouah, Lola, superbe bébé géant, taille 3 mois à l’accouchement.
Allons, c’est pas sérieux tout ça.
(Et c’est bien dommage…)
Flammarion, mars 2010, 122 pages, prix : 14 €,
Étoiles :
Crédit photo couverture : éd. Flammarion