Cadavre exquis - Pénélope Bagieu
1ère BD très attendue de Pénélope Bagieu sur un scénario au long cours, elle était très connue jusque là pour son blog repris en albums, notamment Joséphine, en 2 tomes. Son 1er opus ma vie est tout à fait fascinante m’avait amusée alors que Joséphine m’avait laissé davantage de marbre, au point de même pas tenter le deuxième.
Mais ce cadavre s’annonçait partout réussi, critiques élogieuses nombreuses, et puis c’est dans la très bonne collection Bayou de chez Gallimard….
Quid du scénario ? Zoé, 22 ans, a un job alimentaire pas top : hôtesse d’accueil sur des salons type le salon de l’auto, la reine du fromage, et autres manifestations où il faut subir les pervers et détraqués du coin. Côté cœur, ça ne va pas fort non plus, son mec est un gros bourrin qui pète au lit en guise d’au revoir le matin. Zoé est pas mal cruche et pleurnicharde, mais elle aura quand même le déclic pour se reprendre en main : alors qu’elle déjeune d’un sandwich sur un banc, elle aperçoit un homme qui l’observe caché derrière son rideau à l’étage d’un immeuble : elle va sonner chez lui sous prétexte d’utiliser ses toilettes, et va s’intéresser à sa curieuse façon de vivre en reclus. Thomas Rocher est un écrivain, et pas des moindres : attaché à la critique, il a viscéralement besoin de sa dose de louanges quotidienne pour survivre…
Il ne faut pas en dire plus sous peine de gâcher la surprise du scénario, mais si vous êtes attentif au vocabulaire employé, vous pigerez tout de suite l’astuce (c’est dit clairement dès la page 15 sur 124), du moins la première, car la chute, elle, est tout à fait renversante !
· j’ai trouvé peu crédible et un peu limite le postulat de départ : rencontrer quelqu’un au xème étage d’un immeuble sous prétexte d’utiliser ses toilettes. « Vous pouvez me parler, hein, vous savez ! j’ai laissé ouvert exprès ! Il est drôlement épais votre papier ! » et le lecteur de regarder la demoiselle faire ce qu’elle a à faire et se reculotter tout en lui parlant…
· J’ai trouvé horripilant le côté tarte de Zoé, mais ça fait partie du personnage : « Il écrit des livres. J’ai pas bien pigé quel genre, mais en tout cas il parle comme un mec qui écrit, ça c’est clair » Et dans une librairie quand elle demande conseil, vous aimez quoi lui demande le libraire, comme films par exemple ? : « Euh… chai pas euh… J’aime bien… Han, chais pas moi, euh… baaah… ». L’abrutie de service en quelque sorte. Je sais c’est de l’humooouur, mais bon, ça ne doit pas signifier platitude non plus…
· J’ai aimé toutes les caractéristiques des névroses de l’écrivain, notamment vis-à-vis de la critique. « Mais je comprends pas… c’est si grave que ça, les mauvaises critiques ? - Non, en soi, pas tellement… Mais Tom avait été habitué jusque-là à être l’enfant chéri du public et des journalistes. Les critiques de ce roman-là étaient un peu le présage de ce qui était déjà arrivé à des tas d’auteurs, mais à quoi Thomas n’était pas préparé… Il était en train de passer de mode. »
· J’ai aimé le renversement final de l’intrigue
· Côté dessins, personnellement je trouve ça très moyen : un peu simpliste, presque caricatural, rapide, mais c’est le style Bagieu, de ce point de vue-là, pas de surprise. Mais si ça fonctionne bien en saynètes ou sur son blog, sur une longue histoire, ça manque un peu de détails et de précision à mon goût.
Conclusion : à lire pour le scénario essentiellement. Un moment détente qui ne prend pas la tête, facile et rapide, à l’image de son dessin.
Gallimard, coll. Bayou, avril 2010, 124 pages, prix : 17 euros
Etoiles :
Crédit photo couverture : © pénélope bagieu et éd. Gallimard.