L'ombre de l'autre femme – Dorothy Koomson
Traduit de l'anglais par Maud Ortalda
Parfois il me vient l'idée saugrenue d'aller jeter un œil aux best-sellers France Loisirs, ces avant-premières lancées à grand coup de pub et de promos, vous annonçant forcément des heures de bonheur de lecture et vous laissant entendre que si vous ne cédez pas à l'appel, vous ratez le meilleur de la littérature d'aujourd'hui.
Hum. Quand j'ai commencé ce roman, j'ai bien cru que je ne dépasserais pas les 50 premières pages, tant je l'ai trouvé mal écrit. Ou peut-être mal traduit, je n'ai que la version française, © éd. Belfond 2012, j'imagine donc que le roman sortira prochainement chez Belfond. J'espère juste qu'ils auront revu la traduction d'ici-là, parce que comment dire....
p. 66 : « Il se tut et ses yeux montèrent jusqu'au ciel, comme si ses qualités étaient écrites quelque part dans l'air pour pouvoir les réciter. » Je lève parfois les yeux au ciel, mais de là à monter au ciel..
p. 69 : "En attachant ma ceinture je m'aperçus que si je l'avais rencontré dehors si tôt, cela signifiait qu'il rentrait certainement de chez quelqu'un. Mon estomac se remplit de glace liquide et se retourna un peu." De la glace liquide tiens donc...
p. 102 : « l'accident a été causé par un homme qui utilisait son téléphone tout en conduisant sa voiture ; il a mal évalué la distance entre la sienne et la nôtre et il a exécuté une manœuvre irresponsable. » Bref, il téléphonait en conduisant quoi. On se doute bien vu l'accident déjà décrit qu'il n'était pas à vélo.
p. 171 : « Si elle ne se souvient jamais de ce que j'ai fait après l'accident, alors aucune autre femme que j'aime ne me regardera jamais plus avec tant de haine ». Celle-là, j'ai beau la tourner dans tous les sens, enlever des négations, les remettre, je ne comprends rien.
p. 174 « J'ai pensé que tes ongles ont dû être négligés ces deux dernières semaines. » y a pas un problème de concordance des temps ?
p. 503 « et pourtant vous avez la photo du mariage dans ton
salon ». Vous = ses beaux-parents, ils sont toujours ensemble donc "votre" salon ? Et quand bien même ce serait un vous de politesse (c'est une scène avec sa belle-mère),
pourquoi tout à coup un « ton » salon ?
Bon, une fois cela oublié, eh bien, le roman n'est pas mal du tout. Genre roman noir sentimental pour un bon moment de lecture, ce n'est pas le chef d’œuvre littéraire du siècle non plus. Si le début est franchement bancal, il gagne réellement en densité et intérêt avec l'apparition des journaux intimes d’Ève. Un court résumé pour situer : Libby réchappe d'un accident de voiture au cours duquel son mari conduisait. Sa première épouse étant décédée quelques années auparavant dans des circonstances inexpliquées, il n'est pas exclu que Libby soit en danger et son mari un dangereux criminel... En tout cas on nous le laisse entendre, y compris la police qui mène les interrogatoires. ça tarde un peu à démarrer, mais le réel intérêt du livre est bien la lecture insérée des journaux intimes d’Ève, la première épouse, que Libby retrouve bien cachés dans la maison. L'auteur réussit alors à tenir son lecteur en haleine jusqu'au bout, avec une intrigue retorse et riche qui tient la route, des cahiers intéressants et bien mieux écrits (traduits?), avec une fin claire et fermée sur laquelle le lecteur rage de ne pouvoir influer (!), car si elle est tout à fait satisfaisante, on aimerait je crois aller plus loin encore...
(Tiens je profite du sujet pour donner ce lien qui traduit bien le nouveau monde dans lequel on vit )
France Loisirs, août 2012, 542 pages, prix : 19,50 €
Etoiles :
Crédit photo couverture : © Patricia Turner / Arcantel Images / dpcom.fr / éd. France Loisirs