Les chagrins - Judith Perrignon
Le 1er mars 1973, la prison de la Petite Roquette à Paris est en cours de démolition. Un nouveau projet de quartier et d’habitat social voit le jour. Tout le monde oublie, qui se souviendra qu’il y avait là une prison ? Le 16 novembre 1967, une petite fille, Angèle, y naissait. Personne ne le lui a jamais dit. Ce n’est qu’en 2007, au décès de sa mère, qu’elle se penche sur son passé…
Ce premier roman de Judith Perrignon (qui n’est pourtant pas à sa première expérience d’écriture, ayant derrière elle quelques essais ou écrits à quatre mains), de facture classique tant dans l’écriture que dans la construction chorale et les thèmes abordés pourrait donner l’impression première de manquer d’originalité, pourtant, il a ce quelque chose en plus qui fait son charme et sa délicatesse. D’abord, les lettres de Mila à sa fille Helena en prison, des lettres à sens unique, car jamais Helena ne répond. Puis la naissance d’Angèle, confiée à Mila, et toujours les propos justes de cette grand-mère : « aime-la, elle n’a rien fait, elle. » Mais Helena se mure dans le silence et l’absence apparente de tout sentiment. Elle purge ses cinq ans pour le braquage d’une bijouterie, seule, car elle n’a pas voulu dénoncer son complice qui était aussi son amoureux.
A l’époque, un journaliste s’est intéressé à l’affaire, et son article a touché par des propos bienveillants. Au décès de sa mère en 2007, Angèle veut comprendre qui était réellement sa mère, ce qu’elle a vécu, qui était son père, et par les lettres et documents retrouvés, va lever le voile sur son passé, grâce à ce vieil homme toujours en vie. Tout n’est pas toujours vraiment crédible dans l’histoire, mais qu’importe, tant la justesse des phrases reconstruit en douceur ces destins sans taire leur douleur ou leur impuissance.
Les chagrins ont marqué au fer les vies de ces femmes et des hommes qui les ont fréquentées, et si l’on y trouve un peu de mélancolie, il n’y a pas de pathos inutile, au contraire, de la pudeur et de la retenue.
L’écriture de Judith Perrignon est juste et touchante, délicate et apaisante. Un beau premier roman de cette rentrée littéraire.
(en librairie le 18 août)
(épreuves reçues via le club testeurs d'Amazon)
Stock, coll. La Bleue, 18 août 2010, 208 pages, prix : 17 euros
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Crédit photo couverture : éd. Stock