Où j'ai laissé mon âme - Jérôme Ferrari
Quelques pages à peine et sans avoir jamais lu Jérôme Ferrari, c'est l'évidence : il s'agit là d'une œuvre littéraire forte, grave et engagée, à mille lieues d'un énième roman distrayant qui serait certes plaisant mais resterait léger. L'écriture de Jérôme Ferrari interpelle et séduit, et dans sa perfection stylistique et par la gravité de son sujet.
Le capitaine André Degorce a connu l'horreur des camps de concentration en 1944, résistant pendant la seconde guerre mondiale, il a été déporté à l'âge de 19 ans. Il est aussi rescapé de Dien Bien Phu et des camps du Viet Minh, où il a fait la connaissance du Lieutenant Horace Andreani. Ils se retrouvent tous deux à présent en Algérie, où pendant 3 jours de mars 1957, autour du personnage de Tarik Hadj Nacer, dit Tahar, colonel à l'ALN, l'auteur nous plonge dans l'horreur des victimes devenues bourreaux. Certaines scènes de torture sont difficilement soutenables, pourtant l'on sait par de nombreux documents historiques qu'elles ont été réelles. Marié à une veuve de guerre de dix ans son aînée, André Degorce reçoit les lettres de sa femme, mais ne peut lui répondre, ou alors succinctement, sans jamais approcher la réalité de sa situation.
Roman exigeant dans sa forme et son écriture, il interpelle inévitablement sur la nature humaine et ces arrangements avec soi-même qui s'ils permettent de survivre, ne sont pas moins lucides : malgré ses efforts de respect, Degorce a bien perdu son âme, là, en Algérie, et à jamais. Un roman fort de la rentrée.
Lu en juin dans le cadre d'un partenariat rentrée littéraire Libfly.com et Furet du Nord
Actes Sud, août 2010, 153 pages, prix : 17 €
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Crédit photo couverture : éd. Actes Sud