Double jeu - Jean-Philippe Blondel
Quentin Silber s’est fait virer du lycée St Ex, trop d’absentéisme et d’insolence. Ce n’est pas une sanction votée par le conseil de discipline, mais une solution fièrement trouvée par le proviseur : changer Quentin d’établissement à la rentrée. Lui proposer le lycée Clemenceau, établissement bourgeois bien fréquenté, qui peut l’amener à changer de comportement, à saisir les chances qui lui sont données, à lui de voir : la balle est dans son camp.
A la rentrée, Quentin cherche sa voie, entre deux univers, peut-on changer de classe sociale, accepter et s’intégrer dans celle qui n’est pas la sienne sans renier ses origines ? Et si le théâtre aidait à s’y retrouver, c’est un jeu que l’on joue, celui de l’acteur, le théâtre n’est pas la vie, et pourtant, on y donne tant de soi…
C’est un professeur de français, « la » Fernandez, qui va le guider en lui proposant le rôle de Tom dans la pièce de Tennessee Williams, La ménagerie de verre. Une enseignante attentive qui perçoit le mal-être de Quentin et va savoir le guider, en dépit de débuts fracassants entre eux en cours. Bien sûr, cette pièce va entrer en résonance avec ce qui vit Quentin, et balayer ses réticences.
Un beau roman tout simple sur le déterminisme social (on y retrouve cette discussion qu’un enseignant d’ici partageait avec moi : qu’on le veuille ou non, statistiquement, on sait déjà que les Kevin et Jennifer n’auront pas les mêmes chances, pas les mêmes résultats que les Jules et Anne-Sophie, pas les mêmes choix d’orientation non plus - ici ils sont Dylan, Shirley et Anastasia, mais c’est du pareil au même), sur l’expression artistique comme moyen de découverte de soi (il y avait déjà eu le slam dans Brise-Glace), sur le tiraillement entre deux mondes.
Pas de grands renversements ni surprises, Jean-Philippe Blondel confirme son domaine d’excellence : la description du sentiment intérieur, des émotions, l’observation fine de l’adolescence, dans un langage simple et vivant. Ici les parties et chapitres deviennent actes et scènes, le récit est celui de Quentin, à la première personne, journal intime d’une année scolaire qui prend une forme romanesque. On retrouve les thèmes chers à Blondel, la quête de soi à l’adolescence, le désir trouble face à l’homosexualité (Heathcliff est un personnage intéressant du roman également), et ici en plus une belle relation de protection, d’attention et d’amour entre Quentin et sa petite sœur Anna. Il me suffit d’observer les miens pour sourire ;-)
Un bon moment, simple et juste, on s’y sent bien, la fin arrive trop vite, trop brève peut-être, pourtant tout est dit, et le passage d’une rive à l’autre (que veut-il faire de sa vie) est franchi.
Lever de rideau.
p. 53 : « Un livre, ça devrait donner des solutions – pas ajouter des problèmes. »
Message personnel à l’auteur : JB t’idolâtrerait rien que parce que tu sais écrire lycée Clemenceau sans faute, moi je me fais traiter d’inculte à chaque fois que je remplis un chèque à l’ordre de l’agent comptable dudit lycée, parce que je mets un accent sur le e et que non, il n’y a pas d’accent à Clemenceau. Je crois maintenant que grâce à toi, je ne ferai plus la faute, j’ai une mémoire plus visuelle qu’auditive :-)
Actes Sud junior, Août 2013, 135 pages, prix : 11 €
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Crédit photo couverture : © plainpicture / bobsairport et éd. Actes Sud junior.