Les jardins d'Hélène

L’araignée de Mashhad – Mana Neyestani

16 Décembre 2017, 10:12am

Publié par Laure

Traduit du persan par Massoumeh Lahidji

 

A l’origine de la BD, l’auteur explique dans une préface avoir vu un entretien filmé du tueur en série Saïd Hanaï, qui a assassiné seize prostituées entre 2000 et 2001 à Mashhad. C’est un documentaire du journaliste irano-canadien Maziar Bahari, et l’entretien du tueur est mené par une femme journaliste, Roya Karimi Majd. Impressionné, et avec l’accord du documentariste, il s’en est inspiré librement pour écrire et dessiner « L’araignée de Mashhad »

 

Mashhad est la deuxième plus grande ville d’Iran, après Téhéran, au nord-est du pays. C’est une métropole très religieuse, où la drogue, la toxicomanie, l’injustice sociale et la pauvreté sont élevées. Ce qui entraîne un fort réseau de prostitution pour trouver un peu d’argent et se payer sa came.

 

En mars 2001, Saïd Hanaï, le tueur en série, est arrêté, alors que les faits s’étendent depuis l’été 2000 à Mashhad. A l’hiver 2001, la journaliste Roya Karimi Majd demande un entretien pour son journal auprès du juge Mansouri.

 

L’assassin évoque sa foi comme seule motivation, car la charia condamne la prostitution.

 

Pour le juge, imputer une affaire criminelle à la religion est un crime contre la religion. Il laisse libre cours à la journaliste.

 

La construction choisie est intéressante, forte, et certains propos sidèrent.

 

Les chapitres sont introduits par des dessins enfantins en couleur. On saisira mieux pourquoi à la fin, lorsqu’une enfant de victime raconte, le dessin et la typographie se font enfantines, c’est le seul moment où la BD est en couleur. Le témoignage est touchant, frappant.

 

Le tueur quant à lui restera toujours froid, sans regrets ni scrupules, persuadé d’avoir agi pour le bien de la société et de sa religion.

 

Le témoignage de son fils bouleverse, tant il marche déjà dans les pas de son père, fier de lui.

 

La position de la femme est bien sûr au cœur du récit, qu’il s’agisse des prostituées ou de la journaliste courageuse qui recueille les témoignages. Un passage drôle montre les contradictions et l’hypocrisie de la société : elle sort dans la cour pour une pause cigarette, son cameraman lui recommande de faire attention, de ne pas se faire voir par le garde, car fumer en public pour une femme est interdit. Lequel garde s’empresse de lui en demander une et de partager ce moment avec elle.

 

Des pages noires sur lesquelles une araignée tisse sa toile entrecoupent le récit, progressant dans l’image du tueur surnommé « l’araignée de Mashhad »

 

Un album saisissant mais nécessaire, qui démontre le dictat de la religion quand elle est utilisée pour tuer.

 

 

 

Editions ça et là / Arte éditions, mai 2017, 160 pages, prix : 18 €, ISBN : 978-2-36990-238-6

 

 

 

Crédit photo couverture : © Mana Neyestani et éd. ça et là / Arte

Commenter cet article