Pension alimentaire - Eric Neuhoff
Le narrateur est un éditeur de romans étrangers dans une grande maison, qui connaît bien ce petit monde germanopratin à l’ego démesuré dont la vie tourne autour des ragots de bistrots bien célèbres. Il divorce de sa deuxième épouse, Camille, à peu près au même moment qu’il perd son père. Mais ce qui est insupportable pour lui, plus encore que le manque de ses deux fils Oscar et Hector, c’est d’apprendre, deux ans plus tard, que leur mère vit avec son ex ami Pierre Maurin, un individu aussi vulgaire que peu fréquentable. L’essentiel du livre consiste d’ailleurs à dresser un portrait de ce quinqua qui travaille dans la pub, « Monsieur Vingt Briques Par Mois », un type imbu de lui-même, qui se moque de tout et de tous, et qui ne vit que par et pour l’alcool et la baise tarifée. Les vomissures et les boîtes à partouze, ça va on a compris, dommage que l’auteur soit aussi répétitif là-dessus. Une façon sans doute de montrer combien ce « gros porc » (il n’y a pas d’autre terme) n’a rien à faire dans la vie de ses deux gamins. Qui dit divorce dit souvent relations conflictuelles avec l’ex, et pour un homme, il n’est souvent plus rien d’autre qu’un payeur de pension alimentaire. Prends les insultes en pleine poire mais n’oublie pas de payer le premier du mois. Les pages sur ce que ressent cet homme à la perte de ses enfants, sur la fin de son couple et sa solitude toute neuves sont rares, mais sonnent justes. Avant d’acheter ce livre, je ne sais plus où j’avais entendu que les propos de ce livre sont si caustiques et virulents qu’ils sont certainement authentiques. Alors autobiographique ou non ? A vrai dire peu importe, tant les mots personnels sont universels, quand il s’agit de dire la fin d’un amour et la douleur de voir ses enfants élevés ailleurs par une ex qu’on ne reconnaît plus. Je regrette simplement que ces pages excellentes soient rares, au profit d’une description toujours plus vile de cet ex ami qui le remplace. J’y vois une volonté pour le narrateur dans ce portrait sordide et sans pitié une ultime volonté de ne pas sombrer, de ne pas devenir comme lui : pour un homme qui divorce, l’alcool et le sexe ne sont-ils pas des remèdes faciles aux désillusions de l’échec ?
Face à cet étalage de secrétions et débordements du corps, les propos du narrateur en souffrance n’en ont que plus de valeur. Dommage toutefois que la fin tombe un peu vite. On se surprend aussi souvent à penser qu’il y a une vie en dehors de ce parisianisme nombriliste, et sur ce point, le livre est agaçant. Et quand je lis tous ces verres aux Deux-Magots, chez Lipp ou à la Closerie (des Lilas), j’ai l’impression de lire le blog des 3 compères. Restons naïfs et feignons de croire que la littérature n’est que du plaisir donné au lecteur, et non des dégueulis d’huîtres au champagne trop chèrement payés pour caser untel à l’émission de tel autre, ou arracher tel poulain à l’éditeur voisin. Tiens, Neuhoff serait-il des trois ?
Donc, un livre sur le divorce, à condition de le lire entre les lignes !
p. 12 « On dit que les gens changent. C’est une façon de signifier que les maris se lassent de leur femme et vice
versa. »
Albin Michel, août 2007, 134 pages, prix : 12,50 €
Ma note : 3,5/5
Crédit photo couverture : éd. Albin Michel et Amazon.fr