Les tartines au kétcheupe - Marie-Sabine Roger
Réédition d’un titre épuisé paru en 2000 chez Nathan, Les tartines au kétcheupe est un roman drôle et bouleversant. Quelle belle façon spontanée et déroutante de dédramatiser la violence !
Nicolas a 5 ans, il est en grande section de maternelle, un peu turbulent, il est souvent repris par les enseignants. Il s’est inventé deux amis imaginaires à qui il confie ses tracas : Petit Toiseau et Fourmisseau. Et c’est ainsi que le lecteur comprend le quotidien de Nicolas quand il franchit le seuil de chez lui : père qui le bat, frères un peu violents aussi, mère en souffrance et violentée elle aussi, oh non sa vie n’est pas gaie à la maison ! Marie-Sabine Roger a réussi le tour de force d’en faire une histoire drôle par la fraîcheur des propos du petit garçon, notamment quand il nous raconte son histoire du Petit Poussé :
« Quand on revient en classe, la maîtresse nous raconte une histoire.
C’est un petit qu’a tout un tas de frères plus grands. Ben, moi, je sais ce que ça doit donner à la maison : ses frères, ils doivent passer leur temps à lui flanquer des claques, et à lui crier dessus en disant :
« Hé, le nain, tu vois pas que tu gênes ?! Pousse-toi du milieu ! »
C’est pour ça qu’on l’appelle le petit poussé. […]
Il court ramasser des petits cailloux blancs en bas de chez lui. Il habite dans une chômière. C’est un immeuble où il y a que des chômeurs dedans. [...] »
Et quand les adultes tentent de l’aider, il va chez l’espliquologue, et quand ce dernier lui demande de dessiner sa famille, il oublie de se dessiner lui. Quand le psy (pardon, l’espliquologue, qui ne lui explique pas grand-chose au demeurant !) insiste, il ne réussit pas à se placer dans son dessin de la famille, il finit par se mettre au dos de la feuille, parce qu’il ne voit pas bien où il pourrait se mettre.
Un roman qui touche par les faits qu’il dénonce, sous couvert d’humour. Tendresse et gravité, éclats de rire et tristesse. Le langage et la fraîcheur de l’enfance sont très bien retranscrits. Dommage peut-être que la fin ne laisse guère plus d’espoir. Une lecture à accompagner peut-être auprès des plus jeunes, pour voir ce qu’ils en saisissent réellement ?
(A proposer dès 9 ans)
Lu et approuvé par Mel, de la soupe de l’espace, Gawou la libraire, Clarabel
Rouergue, coll. DacOdac, janvier 2010, 94 pages, prix : 6,50 €
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Crédit photo couverture : Frank Secka et éd. du Rouergue