Jusqu’à la bête – Timothée Demeillers
Erwan travaille au ressuage dans un abattoir industriel de la périphérie d’Angers, une étape qui consiste à refroidir la température d’une bête fraichement abattue pour que sa viande atteigne une qualité propice à une bonne consommation. Sa vie entière est rythmée par la cadence des carcasses qui arrivent sur le rail, et qu’il pousse l’une après l’autre. L’odeur du sang, le froid permanent font de son métier une horreur. Sa seule lueur d’espoir est dans sa relation avec Lætitia, la jeune intérimaire d’un été….
Quand s’ouvre le roman, raconté à la première personne, Erwan est en prison depuis deux ans, il lui reste encore seize ans à tirer. Le tic de la pendule a remplacé le clac de la chaine de l’abattoir, la vacuité des propos des émissions de télé celle des blagues sexistes de l’usine. C’est donc qu’il y a eu drame, puisqu’Erwan en est là, mais lequel, et pourquoi ?
C’est tout l’objet du récit qui y conduira. Dans une langue rythmée, scandée par les clacs de la chaine, qui parfois se déstructure, s’accélère, s’étire alors que les premières phrases étaient très courtes, c’est le travail comme moteur destructeur d’une vie qui est dénoncé. Il y est question d’abattage industriel, dans des conditions difficiles, mais le contexte pourrait être autre, c’est la cadence, la déshumanisation du travail qui font œuvre ici. L’administration froide et inhumaine qui détruit au motif d’une production toujours plus rapide, l’origine sociale qui détermine, l’ambition qui éloigne quand les cœurs se rapprochent, le monde du travail qui broie l’humain jusqu’à ce qu’il redevienne une bête et se comporte comme telle.
Dérangeant mais si réel…
Asphalte éditions, août 2017, 149 pages, prix : 16 €, ISBN : 978-2-918767-71-8
Crédit photo couverture : © Dan Chung / Arcangel Images / et Asphalte éditions