Les jardins d'Hélène

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Le renversement des pôles - Nathalie Côte

23 Août 2015, 16:22pm

Publié par Laure

Deux couples qui ne se connaissent pas sont voisins sur leur lieu de vacances. Dans les deux cas, le couple se délite.

Claire n'aime plus Arnaud et connaît le frisson dans les bras de Simon alors que son mari Arnaud tente naïvement et maladroitement de la reconquérir ; Vincent et Virginie ne pensent qu'à l'argent, et au 4x4 que Virginie veut acheter à la rentrée, surtout qu'elle l'a déjà annoncé autour d'elle, de quoi aurait-elle l'air si ça ne se faisait pas ? Le drame de la classe moyenne qui veut toujours plus.

 

Un roman qui manque malheureusement d'originalité mais dont le rythme fonctionne, c'est plaisant à lire, on a vite fait de s'identifier ou de reconnaître l'un des siens, en se jurant que non, quand même, pas à ce point-là....

 

C'est le roman parfait à lire en vacances, en épiant ses voisins de transat à la piscine de la résidence, ils sont bien tous comme cela ces gens-là, non, à se faire la gueule, à faire semblant, à tout sacrifier aux apparences, à ne pas supporter la frustration constante qu'entretient la société de consommation ? Sinon, loin des vacances, un goût connu de déjà vu déjà lu.

 

Il faut croire que le bouledogue français a désormais supplanté le labrador ou le golden retriever dans l'image de la famille parfaite. (Allusion au bandeau de couverture et au bouledogue qui s'appelle Hercule dans le roman, et qu'on met en photo sur Facebook).

 

 

 

Premier roman, dont la lecture entre dans le Projet 68 premières fois.

 

 

 

 

 

Flammarion, août 2015, 189 pages, prix : 16 €

Étoiles :

Crédit photo bandeau couverture : © Tim Platt / getty Images et éd. Flammarion

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Avec lui. - Nathalie Poitout

22 Août 2015, 15:31pm

Publié par Laure

Marie aime Paul, Paul aime Marie. Parfois, ça se complique un peu.

 

La première partie qui occupe les ¾ du roman les raconte ensemble, des premiers instants à la rupture. Leurs attentes qui ne sont pas les mêmes, Paul qui est déprimé, n'a pas encore fait le deuil de son premier mariage, et en devient ignoble. Marie qui encaisse. Puis deux parties très courtes sur l'après.

 

Ce roman me tentait beaucoup (les lecteurs de ce blog savent combien j'aime les romans intimistes qui décortiquent les relations humaines en général et de couple en particulier) et m'a beaucoup déçue. L'histoire est somme toute banale, et si le personnage de Paul est assez clair dans l'analyse qu'en fait l'auteur, celui de Marie me semble bien plus torturé (je ne suis pas sûre de l'avoir vraiment comprise) mais ce que j'en retiens davantage, c'est le style insupportable. Au début, cela fait de l'effet, des phrases courtes, simples, des fragments (d'un discours amoureux) qui deviennent litanie : Marie aime Paul, Paul aime Marie, Marie attend Paul, Marie a rencontré les parents de Paul, Marie a trente-huit ans, Marie construit des cabanes avec les enfants, ….mais à la longue ça en devient agaçant, STOP ! On a passé l'âge des méthodes d'apprentissage de la lecture : le chat est bleu. Le poisson vole. L'amour c'est dur. L'amour c'est beau. L'amour etc. Oh pardon je m'emporte.

 

Et ce qui m'interpelle, c'est ce point après le titre : Avec lui. Point. Il n'y a jamais de point dans les titres, c'est donc que celui-ci a un sens. Avec lui, point, final. Fin du couple. Après ce n'est plus jamais pareil ? Je n'en sais rien. Et ces copines, - pardon, les amies de Marie - si occupées qu'elles tuent leur ennui en arpentant les rayons du Bon Marché... Elles se sont rencontrées à la Sorbonne ou aux États-Unis, leurs parents sont normaliens et polytechniciens (ah tiens, pas femme de ménage ni ouvrier?), acheter un appartement ne pose aucun problème à personne (c'est aussi facile que d'en écrire la phrase), elles travaillent mais ça ne semble pas les occuper vu que personne n'en parle jamais, ça en devient pédant et c'est insupportable.

 

Désolée.

 

 

Une lecture qui s'inscrit dans le Projet 68 premières fois, puisque Avec lui. est un premier roman de cette rentrée littéraire.

 

 

 

 

 

Alma éd., août 2015, 137 pages, prix : 16 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © Alma éd.

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Nous serons des héros - Brigitte Giraud

20 Août 2015, 10:18am

Publié par Laure

Olivio a 8 ans quand il arrive en France avec sa mère, fuyant la dictature de Salazar qui lui a pris la vie de son père. D'abord hébergés chez des amis à Lyon, ils vont ensuite s'installer chez Max, un « rapatrié » d'Algérie, avec qui sa mère refait sa vie. Max est déjà papa d'un petit Bruno, qu'il reçoit un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

 

Un personnage central du roman, parce qu'il le conduit du début à la fin, est le chat Oceano qu'Olivio a sauvé d'une tempête juste avant de quitter le Portugal, et qui l'accompagnera jusqu'à la sortie de l'adolescence. Oceano est le seul point de repère et d'attachement (avec sa mère) qu'a réellement le petit garçon, et ce chat l'aide à surmonter sa relation difficile avec son beau-père, qui les rejette tous les deux, de manière plus ou moins ouverte. Oceano est interdit dans la maison alors qu'il est le seul point lumineux d'Olivio, Olivio est considéré et traité bien différemment de son fils Bruno.

Tout comme Ahmed, le petit maghrébin du quartier, avec qui Olivio a sympathisé, mais tout aussi rejeté par Max.

On perçoit bien également la soumission de la mère, touchante, sans cesse partagée entre son compagnon et son fils.

 

C'est un magnifique roman sur l'exil, les racines, sur la construction de soi, de l'enfance à l'adolescence et à l'âge adulte par les événements de l'Histoire (la dictature puis la révolution des œillets en avril 1974), les événements de la vie (la perte d'un père, la famille recomposée), et l'affirmation de soi d'un jeune garçon sensible et doux.

Le roman aborde également le thème de l'engagement politique, qu'il soit sur place ou à distance.

 

J'ai beaucoup aimé ce roman de Brigitte Giraud, pour l'empathie immédiate et constante que j'ai ressentie pour le personnage d'Olivio, que j'ai aimé retrouver comme un moment d'intimité égoïste le temps de ma lecture ; j'aime l'écriture simple et pourtant si juste de l'auteur.

 

Si j'avais lu la quatrième de couverture, je n'aurais a priori pas choisi ce roman (la thématique ne m'intéressait pas spécialement) mais je l'ai choisi « à l'aveugle » parce que j'aime ce que fait l'auteur en général, et bien m'en a pris car ce fut un très bon moment de lecture, mais pas seulement, c'est aussi un texte qui reste longtemps ancré en soi. Un beau roman de cette rentrée littéraire d'automne.

 

 

Stock, coll. La Bleue, août 2015, 198 pages, prix : 17,50 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © éd. Stock

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La petite barbare - Astrid Manfredi

14 Août 2015, 17:22pm

Publié par Laure

Lorsque j'ai commencé ce livre (lu en avant-première en streaming grâce à un concours gagné sur la page Facebook de l'éditeur), je n'avais pas remarqué que la couverture formait en fait un visage, j'y avais vu pour ma part deux mains !

 

La petite barbare est le récit d'une jeune femme qui purge une peine de prison pour complicité de meurtre. Elle a 23 ans, et comme on dirait en langage qui se veut bien pensant, c'est une jeune de banlieue qui a mal tourné. Elle a la rage, la haine, une colère virulente émane de ses propos cash, crus, dérangeants. J'ai longtemps hésité avant de savoir si j'aimais ou non ce roman, que je trouvais de prime abord trop empli de clichés « prêts à penser » sur la violence quotidienne des banlieues et des zones de non-droit, mais quelque chose d'intéressant dans l'écriture m'a accrochée, dans sa volonté à mêler toujours la beauté littéraire (Duras, Brecht) à la vulgarité des mots crus de la rue, de la drogue, de la prostitution, du sexe.

 

C'est un texte qui ne peut laisser indifférent, qui heurte et dénonce en filigrane la société dans laquelle on vit aujourd'hui.

 

Au final, un texte très fort dont je reconnais le talent d'écriture et l'empreinte qu'il laisse dans la mémoire du lecteur.

 

Je suis curieuse de suivre à présent cette auteur, dont cette petite barbare est le premier roman.

 

 

 

Lecture qui s'inscrit dans le projet 68 premières fois de l'Insatiable Charlotte.

 

 

 

 

Extraits :

 

page 33 : « Je garde tout le temps la bouche ouverte comme une promesse. Je m'en fous de respirer, je veux mourir essoufflée. Du bruit et de la fureur, voilà ce qui germe dans le cœur de mon cœur. Ça gronde, c'est un orage et aucun présentateur météo ne pourra prédire où il va s'abattre. »

 

page 48 : « Le seul truc bien, c'est qu'à force de la ramener avec mon blues, ils m'ont proposé des bouquins alors j'ai lu, beaucoup. Je lisais tout ce que je trouvais, je ne faisais pas ma difficile tant que les histoires des autres me permettaient de zapper la mienne. »

 

page 48 toujours : « Depuis les séances avec le Dr Neveu, j'écris à fond, mon bâtard je l'appelle, mon futur livre, autant en rire. »

 

page 77 : « Stone à l'ennui, j'écoute la pluie. Ce soir-là, c'est calme et toutes les filles pioncent. Je pense à David. Ça me rend sentimentale la pluie. Les feuilles d'automne, les coups de talon pour les écrabouiller, puis tous les trucs des poètes qui kiffent la gadoue, racontent leurs vies, leurs amours pour des femmes lointaines et impossibles. C'est ça le romantisme : ne pas obtenir ce qu'on veut et pleurer. Une longue lamentation et le vide pour réponse."

 

 

Belfond, août 2015, 160 pages, prix : 15 euros

Etoiles :

Crédit photo couverture : © éd. Belfond

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Avoir un corps - Brigitte Giraud

22 Juillet 2015, 10:07am

Publié par Laure

J’aime l’écriture de Brigitte Giraud et sa capacité à nommer des sensations, des émotions et à mettre en lumière ici la vie d’une femme par le biais de sa relation au corps. De l’enfance à la quarantaine, de la prise de conscience « d’avoir un corps » jusqu’à la maternité, on revit avec la narratrice les jeux de l’enfance, la question du poids / de l’alimentation, le plaisir, la douleur, l’avortement, l’accouchement… Chemin universel d’un corps féminin.

 

J’ai aimé tout particulièrement le passage sur l’avortement (le geste de la maman sur sa joue), et l’accouchement, tous deux très justes dans les peurs, perceptions et sentiments appréhendés.

 

J'ai ri au passage sur le "space-cake" à Amsterdam !

 

J’ai aimé aussi la partie douloureuse sur le deuil, lorsque son compagnon meurt dans un accident, celui qu’elle a toujours nommé ici « le garçon », le père de son enfant, et qui dans à présent s’appelait Claude. J’ai aimé cette intertextualité qui surgit soudain pour le lecteur familier des romans de l’auteur.

 

Un roman sensible et juste sur l’intime et l’universel, comme je les aime.

 

Mes autres lectures de Brigitte Giraud sur ce blog (cliquer sur les titres) :

 

- A présent (2001)

- Marée noire (2004)

- J’apprends (2005)

- Une année étrangère (2009)

 

 

Extraits :

 

p.90 [ quand il faut demander l'autorisation parentale pour l'avortement ] : « Et là où la mère devrait rejouer sa phrase, là où elle devrait risquer : « Tu n’as pas fait de bêtise, au moins ? » elle demeure muette, elle garde pour elle la phrase terrible. Ce qui suit est sans doute le plus délicat, ce qui arrive ensuite est un geste, celui de la mère qui écarte les cheveux de devant le visage inondé et esquisse une caresse contre la joue, geste perdu en chemin, si hésitant et si fragile qu’au lieu de s’annuler il compte double, il compte comme l’impossibilité de dire, d’agir, il compte comme la peur qui arrête, la peur qu’éprouve une mère devant son enfant souffrant, devant son enfant qui vit sa vie propre et solitaire, qu’elle n’a vue ni grandir, ni s’éloigner, ni même se débattre, qu’elle tente de retenir, de regarder aussi en improvisant ce geste. »

 

p. 148 [à l'entrée à la maternité / salle d'accouchement] : « Après il ne faut plus imaginer être une fille, une femme ou quelque chose d’approchant. Il faut accepter de n’être qu’une enveloppe de chair, tant le cerveau ni la mémoire ne comptent plus. Il faut se changer en une denrée concrète, sans éducation ni affect, n’obéir qu’à une logique mécanique, laisser de côté sa culture et son style. Son orgueil aussi. Sur la table d’accouchement toutes les femmes sont égales, c’est-à-dire impuissantes et soumises. Terrassées. Alors on repense aux girafes, on a vu les images à la télévision, l’élégance et la grâce, la longue descente, comme sur un toboggan, du girafon qui glisse hors de l’enveloppe et, contrairement au bébé humain, se met sur ses pattes et vit bientôt sa vie autonome. »

 

 

Éd. Stock, août 2013, 234 pages, prix : 18,50 €  - Existe en poche

Etoiles :

Crédit photo couverture : © éd. Stock

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Une femme blessée – Marina Carrère d’Encausse

9 Juin 2015, 14:09pm

Publié par Laure

Marina Carrère d’Encausse est surtout connue en tant que médecin, présentatrice avec Michel Cymes des émissions « Le magazine de la Santé » et « Allô Docteurs ».

Elle est aussi une grande lectrice, proposant souvent des titres dans la rubrique « livres » de l’émission. Une femme blessée est son premier roman.

 

L’histoire se déroule de nos jours au Kurdistan irakien. Fatimah, mère de famille, vit dans un petit village à une heure de route de Souleymanieh, avec son mari, leurs enfants, mais aussi sa belle-famille. Que s’est-il donc passé pour qu’elle soit conduite à l’hôpital, brûlée vive ? Était-ce réellement un accident ?

 

Marina Carrère d’Encausse s’attache, sous une forme romanesque, à dénoncer les crimes d’honneur, souvent présentés comme des «accidents domestiques», qui visent à punir une jeune fille ou une femme jugée impure et qui aurait de ce fait semé la honte sur sa famille.

 

Fatimah est entre la vie et la mort à l’hôpital, très grièvement blessée. Sa fille aînée, tout comme ses deux autres filles plus jeunes, sont tenues à l’écart et ne savent rien de ce qui est arrivé à leur mère. Le réchaud à gaz a-t-il bien explosé accidentellement ? N’y aurait-il pas eu un acte délibéré dont il faut garder le secret ?

           

D’emblée, le lecteur est en empathie avec cette jeune mère et si l’histoire semble évidente grâce aux indices donnés par l’auteur, celle-ci a su garder quelques fausses pistes pour en faire un récit encore plus intense et dramatique. Tout est en pudeur et en retenue, les femmes se livrent peu, les médecins font de leur mieux pour aider les victimes à se reconstruire au-delà de leurs souffrances physiques, mais le sujet est tabou et la peur telle que personne ne doit savoir.

 

Si j’ai pensé un instant au départ que l’histoire était simple et cousue de fil blanc, j’ai été forcée d’admettre qu’elle était plus complexe et savamment construite qu’elle n’en avait l’air. J’ai été touchée par les sentiments très bien décrits des personnages, bouleversée par l’horreur des crimes qui ne sont pourtant jamais énoncés directement. Quelle force dans ces personnages féminins, quelle violence tue et endurée !, le sort de ces femmes, même s’il est connu, est trop souvent oublié, et le roman de Marina Carrère d’Encausse leur rend un hommage aussi douloureux que nécessaire.

 

 

Anne Carrière, octobre 2014, 197 pages, prix : 17 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © éd. Anne Carrière       

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Le facteur émotif - Denis Thériault

8 Mai 2015, 12:18pm

Publié par Laure

A 27 ans, Bilodo est un facteur solitaire à l'existence bien plate. Son plaisir, à cette époque numérique où les courriers personnels sont devenus rares, est de décacheter à la vapeur une correspondance régulière qu'il a remarquée, entre Ségolène, une guadeloupéenne qui écrit des haïkus, et Gaston Grandpré, un enseignant montréalais à la retraite.

Après s'être repu des poèmes le soir seul chez lui, il recolle et livre normalement le courrier le lendemain matin. Mais quand Gaston Grandpré se fait renverser par une voiture et meurt sous ses yeux, comment ne pas interrompre cette belle correspondance ?

 

Au premier abord, j'ai pensé que l'histoire était extrêmement banale. Mais au fil de ma lecture, je l'ai trouvée fort séduisante. Une délicatesse toute japonaise s'en échappe, dans une sérénité qui emporte le lecteur alors même que le personnage de Bilodo est dans un stress quasi permanent ! L'imposteur sera-t-il démasqué ?

C'est l'occasion aussi d'en apprendre davantage sur l'écriture du haïku, et d'observer notre héros s'y entraîner. Les haïkus qui se succèdent sur certaines pages, avec juste un changement de typographie, révèlent la correspondance de plus en plus érotique, et pourtant tout en retenue, de nos deux héros.

Mais peut-on aimer virtuellement ? Faut-il rêver sa vie plutôt que de la vivre ? Y a-t-il un esthétisme littéraire de l'amour ?

Une fin en forme de pirouette qui s'inscrit dans l'histoire japonaise du haïku, tout est séduction du début à la fin dans ce bref roman, j'ai beaucoup aimé !

 

(Nota : je m'interpelle sur la mention en page de titre : Texte révisé par Elisabeth Samama. Cela a -t-il consisté à gommer d'éventuels québécismes dans une édition française destinée à des lecteurs francophones européens ? Car ce roman de Denis Thériault, écrivain québécois, a d'abord paru en 2005 chez l'éditeur canadien XYZ où il a d'ailleurs remporté le prix littéraire Canada-Japon en 2006)

 

 

éd. Anne Carrière, avril 2015, 172 pages, prix : 16 €

Etoiles :

crédit photo couverture : © TsuneoYamashita / Getty Images / et éd. Anne Carrière

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Venise n'est pas en Italie – Ivan Calbérac

26 Avril 2015, 15:53pm

Publié par Laure

Émile, quinze ans, est un adolescent sensible et réservé. Un peu chahuté par ses parents aux lubies affirmées : sa mère par exemple, lui teint les cheveux en blond depuis qu'il a sept ans, parce qu'elle trouve que c'est mieux comme ça ; son père, quant à lui, n'a pas la langue dans sa poche, plutôt fier de ses boutades vertes et fleuries... Émile a du mal à assumer cette famille encombrante quand il connaît ses premiers émois pour une fille de son lycée, Pauline, issue d'un milieu social plus cossu que le sien.

 

L'aventure commence quand Pauline l'invite à le rejoindre à Venise pour les vacances de Pâques, où elle doit donner un concert à la Fenice avec son orchestre. Comment convaincre ses parents de le laisser partir ? Mais ceux-ci n'y voient aucun obstacle : ils partiront avec lui, en caravane, celle-là même dans laquelle ils vivent en attendant le permis de construire pour leur maison.

 

Début d'un voyage rocambolesque aux multiples péripéties (le frère, militaire en perm, est aussi du voyage), au cours duquel l'issue est en permanence compromise. Mais sans compter sur la ténacité familiale...

 

J'ai beaucoup aimé la fraîcheur du roman dans son début, la sensibilité d’Émile, son rapport à sa famille, la tendresse immanente, le caractère drôle et parfois burlesque du récit. C'est distrayant mais peut-être un peu léger au final, un classique roman d'initiation où c'est le premier amour qui inévitablement vous fait grandir et vous affirmer. Ce qui m'a gênée, c'est que je n'ai jamais eu l'impression qu’Émile avait 15 ans, j'aurais dit 10 ou 12 à la limite, ou alors 15 ans dans les années 60. D'ailleurs peu d'éléments permettent de dater le roman, il n'y a pas de téléphones portables ni de réseaux sociaux dans le paysage ;-)

 

Un roman sympathique qui m'a fait passer un bon moment.

 

p. 77 : « Le problème, quand on a honte de sa famille, c'est qu'en plus on a honte d'avoir honte. C'est quelque chose entre la double peine et le triple cafard. »

 

 

Flammarion, mars 2015, 283 pages, prix : 18 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © d'après une photo de Jill Ferry / Getty Images et éd. Flammarion

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Un été – Vincent Almendros

25 Avril 2015, 08:57am

Publié par Laure

Pierre, le narrateur de ce court roman, est invité par son frère à passer quelques jours en mer sur son voilier. Jean est en couple avec Jeanne, Pierre vient avec sa compagne scandinave, Lone.

Dès le départ, et même avant, au point de rendez-vous, l’atmosphère est lourde, tendue. Le malaise est latent, ambiant, physiquement mais psychologiquement aussi pour les personnages.

Était-ce vraiment une bonne idée, ces quelques jours de vacances dans la promiscuité d'un espace réduit, quand on apprend que Jeanne est en fait l'ancienne compagne de Pierre ?


Étonnant huis-clos au large (pourtant) de la Méditerranée, sur un voilier qui n'offre que très peu d'espace intime, la tension est omniprésente, la chaleur étouffante, tout comme ce qui se joue entre les deux couples, les deux frères, Pierre et Jeanne... L’île de Capri (qui n'a pas alors en tête « c'est fini ») n'est-elle pas le signe de ce qui se joue, de ce qui s'est joué jadis ? Des objets anodins, et une casquette en particulier, prennent une importance dans la narration dépouillée, si l'on pressent ce qui se noue, on reste néanmoins saisi par la fin inattendue.

 

Un roman solaire qui en si peu de pages est un « grand roman » qui marque, oppressant, qui sous une lumière écrasante, révèle le plus intime d'un jeu de séduction inéluctable.

 

Minuit, janvier 2015, 94 pages, prix : 11,50 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © éd. de Minuit

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En attendant demain – Nathacha Appanah

24 Avril 2015, 09:00am

Publié par Laure

De Nathacha Appanah je gardais un bon souvenir (la noce d'Anna, lu il y a … 9 ans, merci ce blog, finalement rien n'est jamais mieux conservé qu'en ligne !) mais c'est le côté positif des réseaux sociaux qui m'a fait acheter son dernier roman : Jean-Philippe Blondel le conseillait vivement sur facebook, Charlotte l'Insatiable plussoyait, et ici en chronique radio). Finalement rien n'a changé, en 2006, c'est déjà Clarabel via son blog qui m'avait fait lire Appanah.

Bref...

 

L'histoire pourrait être simple et banale, elle se révèle magnifique de maîtrise, de précision et de finesse dans son écriture et sa construction romanesque.

 

Que s'est-il passé il y a quatre ans, cinq mois, et treize jours, pour que Laura, la fille d'Adam et Anita, soit aujourd'hui handicapée, qu'Adèle (qui est-elle?) ait perdu la vie, et qu'Adam soit depuis ce temps emprisonné ? Le roman nous le racontera, avec douceur et lucidité, tenant son lecteur en haleine jusqu'au bout.

 

Adam et Anita se sont rencontrés jeunes, se sentant comme deux étrangers dans le milieu qu'ils fréquentaient, elle la fille des îles à la peau « marron », lui le peintre en devenir. Il rêve d'être artiste, elle rêve d'écrire, il sera architecte et elle pigiste dans un journal régional. Ils auront une petite fille, Laura, vivront en province, et rencontreront une autre beauté perdue originaire de Maurice : Adèle, qui fera partie de la famille ou presque. Chacun avec ses rêves enfouis, ses blessures, va se confronter à une réalité plus banale, et douloureuse.

 

Ce qui frappe dans ce roman, outre l'écriture fine, précise, élégante et pourtant en apparence si simple, c'est la multiplicité des thèmes abordés. Des rêves artistiques à la réalité professionnelle, les compromis trouvés, la routine qui s'installe dans le couple, l'exil, la couleur de peau, les préjugés, la réalité quotidienne des sans-papiers, la richesse du roman est là, en filigrane.

 

Un très beau roman.

 

 

p. 124 : « Il y a autre chose que l'amitié entre ces deux femmes, il y a un pays, des images qu'il ne faut pas légender, des gestes qu'il ne faut pas décortiquer, la petite mémoire des enfances, la petite mémoire des pays qu'on quitte, quand le pain était comme ça, quand le ticket de bus avait cette couleur, quand on disait cette chose-là, quand on avait cette habitude-là, quand on mangeait ce fruit-là. »

p. 155 : « à quel moment les choses qui lui avaient plu chez Anita ont-elles commencé à le lasser ? »

 

Gallimard, février 2015, 190 pages, prix : 17,50 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © éd. Gallimard

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