Les jardins d'Hélène

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La lumière est à moi (et autres nouvelles) – Gilles Paris

16 Novembre 2018, 11:57am

Publié par Laure

Après le succès de Courgette (Autobiographie d’une courgette), mais aussi du vertige des falaises, d’au pays des kangourous, et de l’été des lucioles, Gilles Paris est incontestablement l’écrivain de l’enfance. D’une enfance bouleversée mais qui finit toujours par s’ouvrir au jour.

 

Avec ces dix-neuf nouvelles, Gilles Paris reste fidèle à ce thème qui lui est cher, et sait toucher son lecteur par des histoires graves qui n’oublient jamais la rédemption. Qu’ils soient hommes ou femmes, enfants, ados ou adultes racontant leur passé, ces nouvelles mettent en scène des solitudes qui se rencontrent, souvent déclenchées par la mort prématurée d’un parent, la séparation, la maladie.

La mer, le soleil, les volcans, différents pays du monde enveloppent de leur chaleur ces enfants pris au piège du tourbillon des émotions des adultes.

 

Des nouvelles à grappiller de-ci de-là ou à lire d’une traite ou presque, le choix est vaste, j’ai bien sûr quelques préférences pour quelques-unes d’entre elles, comme ces deux premières nouvelles qui se répondent, avec les points de vue différents de deux des protagonistes ; l’histoire d’une petite dernière, violente et provocatrice qui cache un drame des familles, la force et le pouvoir d’évocation d’Enfants de cœur, et la lumière apaisante et heureuse de la toute dernière qui donne son titre au recueil : la lumière est à moi.

 

 

L’occasion peut-être aussi (ce fut le cas pour moi) de découvrir la collection « haute enfance » chez Gallimard, riche de grands auteurs.

 

 

Aujourd’hui on dirait souvent résilience, mais Lior, la lumière est à moi en hébreu, c’est aussi cet éclat de lumière dans la douceur parfois amère de la vie.

 

 

p. 182 : « J’ai deux fois cinq ans. A mon âge on ne sait pas trop ce que l’amour veut dire. Parfois je ne comprends rien. Les adultes me fatiguent. »

 

 

 

 

Gallimard, coll. Haute enfance, octobre 2018, 197 pages, prix : 19 €, ISBN : 978-2-07-279795-8

Crédit photo couverture : © Didier Gaillard-Hohlweg et éd. Gallimard.

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Le fou de Hind - Bertille Dutheil

3 Novembre 2018, 14:15pm

Publié par Laure

A la mort de son père, Moshin, un immigré algérien installé à Créteil depuis les années 1970, Lydia est bouleversée par une lettre qu'il lui a laissée, s'accusant d'être responsable de la mort d'un être innocent.

 

A-t-il tué quelqu'un ? Et qui sont cette femme et cette fillette sur les photos ? Ainsi Lydia aurait eu une demi sœur prénommée Hind ?

 

Elle va retrouver les proches ayant connu son père pour reconstituer son histoire. Le récit prend diverses formes, parfois celle de carnets retranscrits. Chacune des grandes parties constitue presque un roman à elle seule.

 

Sans doute l'autrice a-t-elle ici voulu trop bien faire : l'ensemble est bien trop long, trop détaillé, trop digressif. Si chaque histoire est presque suffisante à elle-même, la cohésion du tout fonctionne moins bien. J'ai parfois hésité à abandonner ma lecture. J'y ai ressenti comme une difficulté de liaison, de roman trop long inutilement.

 

Pourtant bien des aspects sont intéressants et plaisants à lire, c'est un bon premier roman, mais qui aurait gagné à être davantage épuré, à mon goût.

 

 

 

 

Lu dans le cadre des 68 premières fois, mise en avant des premiers romans de la rentrée littéraire :

 

 

 

 

Ed. Belfond, coll. Pointillés, août 2018, 393 pages, prix : 18 €, ISBN : 978-2-7144-7470-9

 

 

 

Crédit photo couverture : éd. Belfond.

 

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Le Nord du monde – Nathalie Yot

17 Octobre 2018, 16:07pm

Publié par Laure

Elle trotte comme un poulain pour fuir l’homme-chien.

D’emblée l’écriture est très imagée. Une femme fuit ce que l’on imagine être des violences conjugales ; elle marche vers le Nord, Lille d’abord, puis Amsterdam et les fjords de Norvège. Elle se lie et se délie très facilement au fil de ses rencontres. Elle se perd et cherche à se reconstruire, mais n’est pas loin de basculer dans la folie. Lors d’une étape on lui confie un enfant, Isaac, neuf ans environ. L’amour maternel qu’elle éprouve alors se teintera vite d’un amour interdit.

 

Si l’écriture porte le roman, très bref, du début à la fin, le choix de l’auteur fait dans le rapport de cette femme à l’enfant dérange, interpelle, perturbe, dégoûte, plonge dans l’incompréhension. Bref, il est impossible de ne pas réagir. L’ultime page semble remettre les choses à leur place.

 

Si la première moitié du roman remporte l’adhésion du lecteur sans difficulté, la seconde, même si elle suggère plus qu’elle ne dit - il y a toutefois des indices qui ne laissent aucun doute – ne peut que mettre mal à l’aise.

 

Je ne sais pas si j’ai aimé, car je peine à accepter le choix de l’intrigue. Et pourtant j’aime que la littérature dérange. Si le roman Objet trouvé pouvait choquer certaines personnes, il mettait en présence des adultes consentants. Mais un adulte envers un enfant…même sous couvert de fiction, j’ai du mal.

 

 

 

 

Lu dans le cadre des 68 premières fois

 

 

 

 

 

 

La contre-allée, coll. La sentinelle, août 2018, 144 pages, prix : 16 €, ISBN : 978-2-376650-01-0

 

 

 

Crédit photo couverture : © Guillaume Heurtault et éd. La Contre-allée.

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Soixante jours – Sarah Marty

11 Octobre 2018, 15:52pm

Publié par Laure

Ils sont quinze kurdes, hommes et femmes, avec des enfants et un bébé, à fuir la Turquie en guerre, en prise avec un passeur qui leur vend du rêve à prix d’or et ne leur fera connaître que des situations inhumaines. Le voyage qui devait durer cinq jours en durera soixante, et il est parfois bien difficile de lire l’accumulation à peine croyable de ce que ces hommes et ces femmes ont enduré.

 

Le groupe est porté par Yoldas, un maçon, qui racontera son histoire à l’auteure quand il se trouvera chez elle à reconstruire un mur en région parisienne.

 

Cette histoire vraie est si effroyable qu’elle ne peut qu’induire un autre regard sur les migrants.

 

Incontournable sur ce sujet.

 

 

 

Extrait p. 129 : « - Comment tu fais, toi ? lui demande Cevdet. Il y a une force en toi, quelque chose d’indéfinissable.

Yoldas sourit, son regard se perd.

- Elle est en moi.

Cevdet cherche et attrape son regard. Il ne veut rien perdre de lui.

- Qui est en toi ?

- une femme qui m’attend quelque part, une femme que je ne connais pas, mais qui aimera l’homme que je suis.

Cevdet rit.

- C’est tout ? Juste le rêve d’une histoire d’amour !

- Oui, mais c’est l’amour qui tient les hommes debout, Cevdet, et c’est la haine qui les fait tomber. Il ne faut jamais oublier ça. »

 

 

 

Denoël, mai 2018, 277 pages, prix : 20 €, ISBN : 978-2-207-14225-7

 

 

 

Crédit couverture : © Constance Clavel / photo : Martins Zemlickis / Unsplash

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Objet trouvé – Matthias Jambon-Puillet

2 Octobre 2018, 18:42pm

Publié par Laure

p. 31 : « - Quand les premiers secours ont retrouvé M. Morin, il était avec une femme, ou plutôt le corps d’une femme. Elle était déjà morte lorsqu’ils l’ont trouvée. Lui est à l’hôpital, elle à la morgue, nous essayons de comprendre ce qui s’est passé. Bien que nous n’en soyons qu’aux débuts de l’enquête, nous avons toutes les raisons de croire qu’ils entretenaient une liaison poussée. Des affaires d’homme lui appartenant ont été retrouvées chez elle.
Nadège ne rit plus. Elle a l’impression d’avoir cessé de respirer. Marc n’aurait pas été capable de s’attacher et de partir avec une autre. Nadège le jurerait sans l’ombre d’un doute. Face aux plus solides des preuves, elle le jurerait encore. »

C’est un choc pour Nadège lorsqu’elle apprend que l’homme qu’elle aimait a été retrouvé ainsi, agonisant auprès d’une femme morte, lui qui a disparu trois ans auparavant lors de son enterrement de vie de garçon, la laissant seule et enceinte. Elle a refait sa vie avec Antoine, mais la réapparition de Marc change la donne. Qui était cette Sabrina ? Comment a-t-il pu disparaitre pendant trois ans ? Quel avenir ont-ils chacun désormais ?

 

J’ai beaucoup aimé ce roman que j’ai trouvé audacieux pour le thème qu’il aborde, appelé pudiquement sexualités alternatives en 4ème de couv, et si je ne comprends pas toujours le choix des pratiques BDSM et les choix faits dans le récit en particulier à la fin, ce n’est pas l’essentiel du roman, n’y cherchez pas un roman érotique ou pornographique. L’intrigue va bien au-delà, posant en filigrane des réflexions sur l’amour, la nature du plaisir, le rapport à l’autre, en usant d’une construction particulièrement réussie. C’est avant tout une histoire d’amour. Pas ordinaire, certes.

 

Un prologue donne la parole au pompier secouriste, un épilogue la clôt avec le compagnon des trois dernières années ; au centre, trois grandes parties, narrées successivement par, Nadège, Sabrina puis Marc, en respectant le fil temporel de l’intrigue.

 

Un premier roman que je trouve très réussi, mais qui pourra de toute évidence choquer selon la capacité de chacun à aborder des sexualités différentes et moins communes. Ce n’est pas pour autant qu’on y adhère ou les comprend, mais la littérature a ici un rôle dérangeant plutôt bienvenu, sans jamais être vulgaire.

 

 

 

 

Lu dans le cadre des 68 premières fois, et sans ce groupe, j’avoue que je n’en aurais jamais entendu parler.

 

 

 

 

Ed. Anne Carrière, août 2018, 189 pages, prix : 17 €, ISBN : 978-2-8433-7921-5

 

 

 

Crédit photo couverture : © éd. Anne Carrière

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Le chien rouge – Philippe Ségur

21 Septembre 2018, 08:45am

Publié par Laure

Peter Seurg (qui pourrait fort bien ressembler à Philippe Ségur, peu importe, mais l’anagramme est lisible), est victime de burn-out et craque. Séparé de sa compagne, il sombre dans un délire psychotique et une déchéance physique dus au cocktail de psychotropes, d’alcool et de drogues qu’il ingurgite.

 

Si j’ai trouvé de très beaux passages sur la société actuelle notamment sous la forme de réflexions politiques, j’ai dans l’ensemble trouvé ce roman fort long et ennuyeux, tournant en rond dans un univers du délire qui m’a rapidement lassée.

 

Je l’ai fini néanmoins car il s’agissait d’une lecture Netgalley mais je n’ai pas été sensible au récit de la descente aux enfers de cet homme avant sa renaissance. Ça arrive et ce n’est pas grave.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Buchet-Chastel, août 2018, 240 pages, prix : 17 €, ISBN : 978-2-283-03130-8

 

 

 

Crédit photo couverture : © éd. Buchet-Chastel.

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Les poteaux étaient carrés – Laurent Seyer

11 Septembre 2018, 09:05am

Publié par Laure

Le 12 mai 1976, l’AS de Saint-Étienne affronte le Bayern de Munich en finale de la coupe d’Europe. Nicolas, 13 ans ½, vit le match de foot en direct en même temps qu’il revient sur le départ de sa mère et l’arrivée de la nouvelle compagne de son père, Virginie, accompagnée de son fils Hugo qu’il déteste. Ou plus exactement, il n’a rien demandé, et souffre du divorce de ses parents.

 

Le roman est bref (173 pages) et malgré cela j’avoue que passé la moitié, j’ai survolé les scènes descriptives du match de foot (trop c’est trop quand on n’y voit aucun intérêt). De même tous les propos élogieux sur cet « événement » m’ont ennuyée, Coupe d’Europe peu importe, le foot ne m’intéresse pas. Surtout qu’à cette époque, j’avais 4 ans, alors si mémoire collective il y a, j’étais trop jeune pour y participer.

 

L’intérêt du livre est bien évidemment dans l’autre part de l’histoire, le ressenti de Nicolas sur la séparation, la douleur d’avoir « perdu » sa mère, et la fin que bien évidemment je ne dévoile pas. La construction mêlant histoire personnelle et histoire collective à travers la passion du football et le récit d’un match en particulier ajoute aussi à la qualité de l’ouvrage, mais pour ma part, elle m’a pesée plus qu’elle ne m’a séduite.

 

 

 

Un premier roman de la rentrée littéraire d’automne, lu dans le cadre des 68 premières fois, que je n’aurais jamais lu sans cela, et encore moins au vu de sa couverture hideuse (que les footeux me pardonnent ou me brûlent sur le bûcher !)

 

 

 

 

 

Finitude, août 2018, 137 pages, prix : 15 €, ISBN : 978-2-36339-097-4

 

 

 

Crédit photo couverture : © Ivan Curkovic © AFP / et éd. Finitude

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La vraie vie – Adeline Dieudonné

10 Septembre 2018, 06:46am

Publié par Laure

La narratrice est une enfant que l’on va suivre jusqu’à la fin de l’adolescence. Elle vit avec ses parents et son petit frère Gilles, dans une maison quelconque dont une pièce a tout de même été aménagée en musée des trophées, elle l’appelle « la chambre des cadavres ». Car son père est chasseur de gros gibier, alcoolique et violent. Sa mère est effacée, elle la voit comme une amibe.

P. 13 : « La principale fonction de ma mère était de préparer les repas, ce qu’elle faisait comme une amibe, sans créativité, sans goût, avec beaucoup de mayonnaise. Des croque-monsieur, des pêches au thon, des œufs mimosa et du poisson pané avec de la purée mousseline. Principalement. »

 

L’enfant est assez protectrice avec son petit frère, elle veille sur lui, et le réconforte quand il a peur des histoires racontées par une voisine : « les histoires, elles servent à mettre dedans tout ce qui nous fait peur, comme ça on est sûr que ça n’arrive pas dans la vraie vie ». (p. 17)

 

Elle aime acheter des glaces avec lui auprès du marchand ambulant, dont le camion arrive toujours avec une petite musique, « la valse des fleurs » de Tchaïkovski. C’est en lui servant de la chantilly qu’un terrible accident va se produire, qui va marquer son frère à jamais et changer leur vie.

 

A partir de là, c’est l’engrenage. La montée en puissance d’un texte d’une maîtrise exceptionnelle, l’écriture est au cordeau, aucun mot de trop, et le bon mot à la bonne place. L’histoire est sombre, le roman vire au noir – très noir, mais la lumière de l’intelligence toujours guide vers l’espoir.

 

 

Adeline Dieudonné non seulement raconte une histoire singulière, glaçante, qui marque, mais elle le fait dans un style épuré à l’extrême qui dit toute la bestialité du mal, dans la métaphore de la hyène, une horreur qui n’oublie pas d’ouvrir des espaces lumineux dans la découverte de l’amour avec un voisin bien plus âgé, et la découverte de la bienveillance auprès d’un professeur de sciences.

 

On finit le roman en apnée, dans une tension insupportable, mais dont la fin apaisera, enfin.

 

 

 

Adeline Dieudonné, auteure belge d’expression française, a déjà reçu le prix Première Plume 2018 pour ce premier roman. Elle est sur la première liste du Goncourt. Curieux puisqu’il existe par ailleurs un Goncourt du 1er roman. J’ignore si elle y restera, en tous les cas son premier roman est d’une maîtrise et d’une qualité telles que je ne peux que le recommander vivement.

 

 

 

 

P. 127 : « Moi je voulais avancer. J’avais treize ans et on me parlait encore de la composition de la cellule. Et je n’aimais pas non plus mon prof parce qu’il était mou. Il avait démissionné de tout. Son odeur était le premier signe de son laisser-aller, mais tout le reste suivait. D’ailleurs, tout le monde à l’école était mou. Les profs, les élèves. Les uns étaient bêtement vieux et les autres allaient vite le devenir. Un peu d’acné, quelques rapports sexuels, les études, les gosses, le boulot et hop ! Ils seront vieux et ils n’auront servi à rien. Moi, je voulais être Marie Curie. Je n’avais pas de temps à perdre. »

 

 

 

 

 

L’iconoclaste, août 2018, 265 pages, prix : 17 €, ISBN : 978-2-37880-023-9

 

 

 

Crédit photo couverture : © Quintin Leeds / éd. L’iconoclaste

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Deux stations avant Concorde – Peire Aussane

8 Septembre 2018, 10:09am

Publié par Laure

Eve est mariée à Antoine, elle a 33 ans, ils ont deux enfants, Axel et Césarine. Alors que son mari est en déplacement, elle laisse ses enfants à ses parents pour se reposer un peu… Après avoir croisé le regard d’un homme dans le métro et perdu son téléphone portable, elle s’envole pour le Japon, dans l’idée que cet homme vit là-bas.

 

Elle part sur un coup de tête dans ce pays où vécut sa grand-mère divorcée et reconstitue des bribes de son histoire familiale.

 

Crise de couple, réflexion sur soi, ce roman intimiste n’a pas réussi à me convaincre.

 

La mise en place est longue et d’une platitude exaspérante, les enchainements sont tous improbables, et l’ensemble reste plat, d’une trop grande banalité. Un roman sans surprise, que clôt une fin assez ridicule.

 

 

 

 

Une lecture "68 premières fois", sélection de premiers romans de la rentrée littéraire :

 

Michalon, août 2018, 191 pages, prix : 17 €, ISBN : 978-2-84186-894-0

 

 

 

Crédit photo couverture : © Marie Flévet / Ziv Ravitz et éd. Michalon

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Trois fois la fin du monde - Sophie Divry

4 Septembre 2018, 18:09pm

Publié par Laure

Joseph Kamal est incarcéré pour un casse qui a mal tourné et au cours duquel son frère a été abattu par la police. La description très réaliste de la violence de la prison est effroyable, c’est une première fin du monde pour Joseph. Puis survient une catastrophe nucléaire qui décime une partie de la population, et permet à Joseph de s’évader et de se réfugier dans une zone sinistrée abandonnée. Il est miraculeusement indemne. Deuxième fin du monde. La troisième ? c’est la solitude qu’il va affronter, nouveau Robinson Crusoé des maisons abandonnées dans une campagne déserte.

 

Au départ, la survie est simple et il revit après tant de violences endurées. Les supermarchés abandonnés et les maisons vides sont abondamment approvisionnés. Il n’y a plus d’électricité, plus personne. L’homme est-il fait pour vivre seul ? Il faut voir l’empressement de Joseph à recueillir des animaux et son attachement à ces derniers, pour comprendre combien la solitude est complexe à endurer (alors qu’il la souhaitait plutôt au moment de la prison !) et la nature riche de ressources, mais pas de celle du lien humain !

 

Sophie Divry surprend une fois encore par sa capacité à changer complètement de registre d’un roman à l’autre. Elle fait preuve ici aussi d’une belle écriture dans un éloge de la nature et la description psychologique de son personnage est juste et sensible. Une plume à ne pas manquer !

 

 

 

Extraits :

« Plusieurs heures ainsi pleurant, allongé par terre. Rien ne m’était jamais arrivé d’aussi violent. J’ai mal partout, je suis affreusement humilié, et victime d’une manipulation qui me dépasse dans sa monstruosité.

Les heures passent, aucun médecin ne vient. Cet abandon me déchire plus que la douleur physique, il déçoit une attente profondément ancrée dans mon esprit. La détresse me submerge. C’est une souffrance atroce d’être ainsi abandonné, surtout quand on sait que derrière les portes, par-delà les coursives, au fond d’un autre couloir, il y a un médecin, une infirmerie, mais que ces gens ne seront pas prévenus. »

 

 

 

« L’émotion est si forte que Joseph s’est assis.

C’est de l’anglais, il ne sait pas qui, il ne comprend pas, mais c’est une voix humaine.

Dans cette cuisine pleine de poussière, dans ce village, voilà que le silence est vaincu. La musique embrasse l’espace, elle colore les murs de cette piaule de retraités-à-confitures.

Tremblant, Joseph appuie sur Stop. Le silence s’étend à nouveau tel un lac glacé autour de son corps.

Comme d’habitude, il avait d’abord cherché la radio, mais sur l’arc des fréquences, ce n’est qu’une grêle de parasites. Il a mis sur Play. »

 

 

Autre roman de l’autrice sur ce blog  (cliquez sur le titre) :

- La cote 400

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ed. Noir sur Blanc, coll. Notabilia, août 2018, 240 pages, prix : 16 €, ISBN : 978-2-88250528-6

 

 

 

Crédit photo couverture : © éd. Noir sur blanc

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