Les jardins d'Hélène

romans etrangers

Puissions-nous être pardonnés - A.M. Homes

17 Août 2016, 06:27am

Publié par Laure

Traduit de l'américain par Yoann Gentric

 

Puissions-nous être pardonnés - A.M. HomesEn 2011, à propos du roman « ce livre va vous sauver la vie », d’A.M. Homes, j’écrivais ceci : « on applaudit l’imagination fertile de l’auteur qui ne ménage pas les scènes cocasses. », eh bien je peux tout à fait réitérer ma remarque pour ce dernier roman de cet auteur !

 

D’emblée j’ai été emportée par le rythme, le style, et les mésaventures plus que surprenantes de George, et par ricochet de son frère Harold. George est un riche producteur de télévision qui perd soudainement les pédales : il tue une famille dans un accident de la route (seul le petit garçon survivra) et quelque temps après, alors qu’il s’échappe de l’hôpital où il est placé, il tue à coup de lampe de chevet sa femme qu’il trouve dans son propre lit avec son frère Harold, un modeste et discret professeur d’histoire spécialiste de Nixon.

 

Jusque-là en retrait, Harold se retrouve sur le devant de la scène, devenant le tuteur des enfants de George (celui-ci semble bien devenu fou) et découvrant une vie de famille, chien et chat compris, qu’il n’aurait jamais imaginée.

 

Décoiffant, avec des dialogues très drôles (soutenus par une excellente traduction), ce roman réussit la prouesse de se renouveler sans cesse pour maintenir le rythme sur près de 600 pages, révèle (à lui-même) la fibre paternelle d’Harold, non sans passer par des expériences tantôt extravagantes tantôt touchantes. Critique sociale de la vie américaine sous couvert d’une vraie bonne histoire et d’un ton savoureux, ce roman fait partie de ceux que l’on n’a pas envie de quitter tant on s’en délecte.

 

A.M Homes fait désormais partie de ces auteurs que j’ai envie de suivre !

 

 

Actes Sud, mai 2015, 586 pages, prix : 24 €

Etoiles :

Crédit photo couverture :  © Tommy Ingberg et éd. Actes Sud.

 

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Ce que j’ai fait de pire – Ursula Hegi

21 Mai 2016, 10:52am

Publié par Laure

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sylvette Gleyze

 

Ce que j'ai fait de pire - Ursula HegiAnnie, Jake et Mason sont amis depuis l’enfance, mais c’est Mason qu’Annie épousera. Le soir de leur mariage, les parents d’Annie sont tués dans un accident de voiture. Le bébé que portait sa mère est sauvé in extremis : une petite fille prénommée Opal sera donc élevée par sa grande sœur….

 

Relation triangulaire, les frontières de l’amour et de l’amitié sont fragiles, drame de la jalousie et de la vie, l’avenir d’Annie ne sera pas simple. De même la relation du couple à l’enfant est complexe : ils l’élèvent comme leur propre fille alors qu’elle ne l’est pas, mais comment pourrait-il en être autrement dans les circonstances de sa naissance ?

 

Les différents personnages prennent la parole à tour de rôle, et le récit se reconstitue peu à peu, dans une chronologie temporelle bousculée.

Les personnages secondaires (tante Stormy, Pete) sont bien dessinés et intéressants également.

 

J’ai aimé la construction qui se laisse appréhender doucement au départ (on est un peu perdus, il faut avancer à l’écoute des personnages), mais hélas j’ai trouvé que ce choix rendait aussi l’intrigue un peu répétitive et circulaire.

 

Une atmosphère intimiste plaisante, mais quelques faiblesses qui finissent par lasser un peu lecteur. Une lecture en demi-teinte, donc.

 

Galaade éd., mars 2016, 341 pages, prix : 25 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © Galaade éd.

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La douleur porte un costume de plumes – Max Porter

8 Avril 2016, 09:05am

Publié par Laure

Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Charles Recoursé

 

La douleur porte un costume de plumes - Max PorterUn père en deuil avec ses deux jeunes enfants, dévastés par le chagrin. Comment faire pour continuer à vivre ? La réponse viendra d’un truculent corbeau, chimère ou fable, qui remettra sur pied la famille amputée de sa veine maternelle essentielle.

 

Le texte se présente en trois parties, « une touche de nuit / défense du nid / autorisation de décoller » dont les titres révèlent à eux seuls le chemin du deuil,  et se révèle un ovni littéraire dans sa forme, hybride entre roman, conte, poème, récit à 3 voix clairement identifiées : Papa, Corbeau, les garçons (qui à deux ne forment qu’une voix à l’unisson). Il faut accepter de sortir de sa zone de confort, et d’être un peu dérouté par l’originalité du texte qui ne ressemble à rien de connu. Et un peu d’originalité dans le paysage littéraire ne fait jamais de mal.

 

Ce corbeau a un franc-parler pas toujours académique, mais peut tout aussi bien opérer un revirement total vers la poésie. Échappé d’un poème de Ted Hughes dont le père est spécialiste, il prend une signification forte pour cet homme en souffrance. En effet, Ted Hugues a écrit ce poème (« Crow ») à la mort de sa femme Sylvia Plath, et voilà que ce même corbeau frappe à la porte du père endeuillé. Tour à tour pitre ou empathique, baby-sitter et confident, le corbeau est celui par lequel le retour à la vie s’effectuera, sans occulter le deuil, il permet de le traverser.

 

Un premier roman très original qui mérite qu’on s’y arrête.

 

P. 78 : « « Je vais t’en raconter une autre, c’est cadeau », a dit Corbeau.

« Hmm ». (J’essaie de travailler, j’essaie de moins alimenter le concept de Corbeau depuis que j’ai lu un livre sur les délires psychotiques.) »

 

p. 107 : « Tourner la page, le concept, c’est pour les idiots, toute personne sensée sait que la douleur est un projet à long terme. Je refuse de précipiter les choses. La souffrance qui s’impose à nous empêche quiconque de ralentir ou d’accélérer ou de s’arrêter. »

 

 

Une interview de l’auteur ici

 

 

Seuil, janvier 2016, 121 pages, prix : 14,50 €

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Crédit photo couverture : Eleonor Crow et éd. du Seuil

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Hôtel Arcadia – Sunny Singh

16 Février 2016, 11:08am

Publié par Laure

Traduit de l’anglais (Inde) par Maïa Bharati

 

Photographe de guerre de retour de mission, Sam récupère un peu à l’hôtel Arcadia, dans une ville qui n’est pas nommée mais peu importe. Très vite l’hôtel est en proie aux terroristes qui tuent froidement tous les clients, chambre par chambre. Abhi, le directeur, retranché dans un bureau où se trouvent le contrôle des caméras de surveillance, tente de sauver le plus grand nombre de personnes en téléphonant dans les chambres et en demandant aux clients de ne pas ouvrir les portes.

 

Le drame durera soixante sept heures avant que l’assaut de la police ne mette fin à la tuerie.

Une relation d’entraide et de compassion naitra entre Abhi et Sam, par le seul biais de textos et d’appels téléphoniques. Sam ne peut s’empêcher de risquer sa vie pour aller faire des photos, des lieux dévastés mais aussi des victimes. C’est son job. Abhi surmontera sa peur pour aider autant qu’il le peut, de par sa surveillance vidéo.

 

Le roman est très intéressant et réussi pour sa partie « retours en arrière » sur le métier de Sam et la nécessité pour elle de se blinder psychologiquement, confrontée sans cesse à la mort et à la guerre, et sur sa difficulté à construire une relation amoureuse dans de telles circonstances. De même Abhi dévoilera une part de sa vie amoureuse et de sa place dans sa famille, en rivalité avec son frère face à leur père.

 

Là où le roman pêche et n’est en rien crédible, c’est sur sa quatrième de couverture et son bandeau annonçant le summum du thriller à suspense. « Un thriller que l’on ne parvient pas à reposer » : non, ce n’est aucunement un page turner, et les parties consacrées à Sam en sortie dans les couloirs et les chambres ne témoignent guère de tension, ni de crédibilité : comment et pourquoi sort-elle autant de fois sans jamais croiser personne (bien sur Abhi l’aide par sa surveillance vidéo), sans que jamais l’action des terroristes ne croise son chemin. Soixante-sept longues heures sans que jamais vraiment ils n’occupent le devant de la scène, soixante-sept longues heures avant que la police n’intervienne… ça parait interminable dans la vraie vie, tout comme dans ce roman, hélas, que j’ai failli abandonner bien des fois.

 

Seuls les passages sur l’analyse des caractères des personnages sauvent l’ensemble. Le vendre comme un roman psychologique dramatique sur la vie d’une photographe de guerre, oui, mais l’erreur a été ici de le vendre comme un thriller qu’il n’est pas.

 

 

Galaade éditions, Janvier 2016, 251 pages, prix : 23 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © Sébastien / Luoman / Getty / et éd. Galaade

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Coup de foudre - Ken Kalfus

29 Décembre 2015, 18:15pm

Publié par Laure

Traduit de l’américain par Nathaniel Dennett

 

Étonnante novella de Ken Kalfus, parue en 2015 d’abord sous une autre version dans le magazine américain Harper’s, puis reprise dans un recueil intitulé « coup de foudre », a novella and stories, à paraître en français le 12 janvier 2016.

 

 Ce coup de foudre est donc une novella d’un peu moins de 70 pages, qui nous plonge pendant 48h dans la tête de Dominique Strauss Kahn au moment de l’affaire « Nafissatou Diallo » au Sofitel de New-York. Au début du récit, il lui écrit une lettre (qu'il sait qu'il n'enverra pas) , dans laquelle il donne sa vision des faits, par un habile retour en arrière.

Récit de politique fiction, si les noms des dirigeants de ce monde sont les vrais (Angela Merkel, Nicolas Sarkozy), les protagonistes de l'affaire sont rebaptisés, DSK devient David Léon Landau, et Nafissatou Diallo, la femme de chambre, est renommée Mariama.


 

Le procédé d'écriture est brillant, lire (dans) les pensées de ce David est aussi fascinant que dérangeant. Rien n'est épargné de son addiction sexuelle, ses nombreuses parties fines et son comportement dans la chambre sont minutieusement décrits, point de faux-semblant. Un retour qui parvient à être émouvant et par moments presque drôle (la scène de l'écharpe notamment) sur la chute de cet homme qui briguait le mandat de président français, et qui à ce moment-là s'apprêtait à rencontrer Angela Merkel pour traiter de la crise économique et du cas de la Grèce, tout en s'inquiétant d'une surveillance par la DCRI.

 

Le lecteur oscille sans cesse entre dégoût (devant son comportement quasi animal avec les femmes) et « compréhension » de ses pulsions tant il paraît sincère et touchant dans son aveu, un balancement permanent très bien résumé à la toute fin de la nouvelle par cette phrase:  « L’Europe a beau être un continent de vieux satyres ridicules, elle est aussi dépositaire des valeurs humanistes les plus essentielles au monde ».

 

Une réussite du point de vue de l'écriture et de l'analyse psychologique, tant du personnage que du jeu de pouvoir. Brillant, vraiment.

 

Extrait p.27 (numérique) : « C’est comme ça que j’aime posséder mes femmes, et c’est souvent aussi comme ça qu’elles le préfèrent, sans toutes les hypocrisies, de la séduction, sans les sourires feints, sans les regards pesants et les blagues débiles, d’un coup, en un saut, en un éclair, en un coup de foudre. »

 

 

Une lecture Netgalley

 

 

Badge Lecteur professionnel

 

 

Bloomsbury FR, janvier 2016, 52 pages en epub, 67 pages version imprimée, prix : 2,93 € en numérique

Etoiles :

Crédit photo couverture : © éd. Bloomsbury.

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Comment ma femme m'a rendu fou – Dimitri Verhulst

22 Décembre 2015, 09:16am

Publié par Laure

Traduit du néerlandais par Danielle Losman

 

A 74 ans (septante quatre disent nos amis belges), Désiré Cordier ne peut plus supporter sa femme Monik, qui est on ne peut plus tyrannique et fielleuse. Il choisit une solution originale mais délicate à mettre en œuvre pour retrouver sa liberté d'esprit : simuler la démence sénile et se faire placer dans un établissement spécialisé pour malades d'Alzheimer.

 

La scène d'ouverture est saisissante, l'auteur ayant choisi la description d'incontinence fécale pour commencer son roman. La fin de vie, c'est aussi cela, n'importe quel(le) aide-soignant(e) vous le dira. Par des retours en arrière, Désiré revient sur ce qui a pourri sa vie : le comportement de sa femme. J'ai trouvé cette description de relation de couple particulièrement réussie, peut-être parce qu'au final, on en connaît tous des comme ça. (enfin moi oui en tout cas!)

J'ai trouvé très touchante la relation qui renaît avec sa fille, mais qui hélas reste morte tant le jeu du mensonge demeure capital.

L'humour est noir, non dénué de tendresse parfois (la fille, le premier amour dans lequel on veut croire un dernier espoir), la vie dans ce Home Lumière d'Hiver justement décrite, le tout est dérangeant, mais assez jubilatoire dans la vengeance choisie, tout autant que ce choix devient dramatique à un moment. Peut-on un jour sortir d'un enfermement quel qu'il soit, autrement que par la fin choisie, plombante, déprimante. Mais qui fait sens.

 

Une réussite, à lire un jour de moral bien accroché !

 

Extrait, page 96 : « D'après ce que j'entends dire, de plus en plus d'institutions engageraient avec succès des animaux domestiques dans leurs effectifs. Le prix d'un sac de croquettes pour chien n'est en rien à comparer avec le salaire pourtant misérable d'un travailleur social. Et puis on peut se poser la question de savoir qui apporte le plus à une personne en train de s'éteindre : un petit épicurien content et tranquille sur les genoux, ou une torcheuse de culs au caquètement suraigu dont l'humeur est gâchée par sa conscience d'être sous-payée ? » (une bonne idée du ton décapant de l'auteur)

 

 

Denoël & d'Ailleurs, janvier 2015, 142 pages, prix : 14,90 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © McBride / Getty Images et éd. Denoël

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Paradis amer - Tatamkhulu Afrika

10 Septembre 2015, 08:29am

Publié par Laure

Traduit de l'anglais par Georges-Michel SAROTTE

 

Ce roman autobiographique de Tatamkhulu Afrika raconte l’enfer des camps de prisonniers pendant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi, les sentiments et émotions qui ont surgi  entre ces hommes et qui leur ont permis de tenir le coup.

 

Originaire d’Afrique du Sud, Tom Smith, le narrateur, est fait prisonnier en Afrique du Nord et sera conduit dans un camp, d’abord en Italie, puis en Allemagne, jusqu’à la Libération.

Bien des années après, alors qu’il est âgé et que ces événements sont loin derrière lui, il reçoit un colis et une lettre d’un soldat qu’il a connu jadis : ainsi démarre le roman et la narration de cette période aussi douloureuse que lumineuse, que peut évoquer l’oxymore du titre.

 

Car si les passages sur les maladies, les diarrhées, les poux, et toutes les situations dues au manque d’hygiène, à la promiscuité et à la torture sont difficiles, il y a dans ce roman quantité de scènes d’une beauté pure, des moments d’éclats lumineux qui en font oublier le cadre.

 

C’est un roman d’une grande sensibilité, qui aborde aussi de façon pudique et splendide le désir entre deux hommes, l’amitié, la fraternité, l’entraide, mais aussi l’amour et la sexualité.

 

Le triangle entre Douglas, l’infirmier prisonnier qui a aidé Tom dans les pires moments pendant les transferts, Danny, l’Anglais, l’ami avec qui la relation est troublante et Tom le narrateur montre bien combien le désir et l’attachement ne sont pas aisés à définir, ni uniformes pour tous.

 

Le texte est traversé de passages magnifiques, presque poétiques, et l’importance que prend le théâtre et ses représentations par les prisonniers en fait presque oublier l’horreur bien réelle de l’enfermement et du traitement des hommes dans le camp.

 

L’auteur a réussi par son récit à transcender l’effroi de la réalité, sans la faire disparaître,  et livre un roman aussi sensible qu’émouvant.

 

Un paradis amer, tout est là.

 

Extraits :

p.87 : "Je déplie ce qu’il m’a lancé. C’est un boxer, identique à celui qu’il porte et qui, à l’évidence, n’est plus à sa taille et tout aussi clairement à la mienne. Un sentiment de tendresse, d’une puissance que seule peut engendrer la tendresse, me secoue durant un bref instant dérobé à une époque paradisiaque."

 

p.241 : « C’est presque avec un sentiment de culpabilité que je tourne à nouveau le dos au paradis amer que nous abandonnons pour la deuxième fois, quelle que soit la dureté avec laquelle il nous a abrités, et que nous rejetons, comme la lascive Bessie a plaqué le garçon à l’air sombre près de moi. »

 

 

Presses de la cité, septembre 305 pages, prix : 21,50 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © éd. Presses de la Cité

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La meilleure d’entre nous – Sarah Vaughan

16 Juin 2015, 13:47pm

Publié par Laure

Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Alice Delarbre           

 

La chaine de magasins Eaden organise un concours de pâtisserie, pour élire la nouvelle Mrs Eaden. Kathleen Eaden était en effet l’auteur célèbre en 1966 d’un ouvrage de référence : L’art de la pâtisserie, et l’épouse du propriétaire de la marque. Il s’agit aujourd’hui de redonner un nouveau souffle à ces magasins.

 

C’est donc aux différentes épreuves du concours que va assister le lecteur, témoin tour à tour du stress et des pensées des candidats. L’histoire du personnage mythique de Kathleen vient entrecouper les chapitres.

 

J’ai souvent peiné dans ce roman, trouvant le temps long dans les descriptions interminables des scènes de cuisine, confondant systématiquement les prénoms des personnages féminins, impossible de me rappeler d’une fois sur l’autre qui était qui. Car ce qui est intéressant dans ce roman – enfin ce qui moi m’a plu – c’est le récit de ces femmes par rapport à leur couple, à la maternité, à leur rôle de mère ou de fille, récit qui montre combien la maternité est complexe. L’histoire de Kathleen est touchante et renforce l’importance du thème central : la position de la femme dans la société et la famille, ses choix face au travail et au sein du couple.

 

En France, nous penserions immédiatement à Ginette Mathiot pour la bible de cuisine (certes datée aujourd’hui, tout comme le livre de Kathleen Eaden), et aux émissions récentes de télé-réalité, Top Chef et le meilleur pâtissier ou consorts. C’est dans l’air du temps, la psychologie des personnages est intéressante, le roman se veut un roman de détente, que j’ai trouvé toutefois parfois bien longuet. Je l’ai apprécié pour ses personnages de femmes, mais ai trouvé le reste un peu ennuyeux.

 

Préludes, mars 2015, 475 pages, prix : 14.90 €          

Etoiles :

Crédit photo couverture : © Stephen Webster / Plainpicture et éd. Préludes / Librairie Générale Française

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Le coeur entre les pages - Shelly King

10 Mai 2015, 14:34pm

Publié par Laure

p. 38-39 : « Quand à huit ans j'ai annoncé que je voulais devenir bibliothécaire, ma mère a été horrifiée. Je voyais bien comment elle m'imaginait : en matrone avec des chaussures confortables et un chignon, vivant entre des piles d'ouvrages et regardant par-dessus ses lunettes avec une expression austère et dédaigneuse, ceux qui rapportaient les livres passée la date limite. Rien de ce que je pouvais dire ne parvenait à la convaincre que sa vision ne correspondait pas du tout à ce que serait mon avenir. Les bibliothécaires que je connaissais étaient des super-héros des données. Tels les explorateurs de l'Ancien Monde, ils naviguaient sur des océans d'informations non répertoriées, dessinant des cartes pour vous emmener n'importe où. Et ils étaient les gardiens des choses qu'oubliaient les autres, archivant les événements de la vie et les reconstituant. »

La petite trentaine, Maggie est licenciée d'ArGoNet Software, une start-up de la Silicon Valley. En attendant de retrouver un emploi, elle passe son temps à lire des romances dans une librairie de livres d'occasion, le Dragonfly Used Books.

Pour essayer de lui remettre le pied à l'étrier, son meilleur ami Dizzy l'introduit dans un club de lectures guindé mené par une riche entrepreneuse.

 

La lecture commune imposée ce jour-là est le roman de D.H. Lawrence : L'amant de Lady Chatterley. La même édition moderne est soumise aux participants, mais n'en déplaise à l'organisatrice et modératrice Avi, Maggie arrive avec sa propre version ancienne dénichée au Dragonfly.

 

Elle devait passer la nuit précédente à lire le roman, mais elle s'est surtout laissée emporter par une mystérieuse correspondance manuscrite découverte en marges, entre deux inconnus : Henry et Catherine.

 

Si le roman s'attache dès lors à tenter de découvrir qui furent ces mystérieux Henry et Catherine s'aimant par messages interposés, le récit prend bien d'autres voies au point d'oublier complètement ces deux prétendants (pour y revenir rapidement à la fin).

 

L'intrigue n'est donc pas tant de dénouer cette énigme (à la résolution d'ailleurs bien plate et décevante) que de dévoiler le caractère passionné de Maggie pour les livres, et de l'accompagner dans son cheminement personnel vers son accomplissement professionnel, tout en apaisant sa relation volcanique avec sa mère.

 

Ne vous attardez pas sur la jolie couverture et les oreilles en arrière du chat qui montre une contrariété imminente, ce n'est pas parce qu'il est question de livres et de chat qu'il faut immédiatement songer au bonheur au coin du feu, la pile à lire sur l'accoudoir du fauteuil et le matou ronronnant sur les genoux. Que nenni, pas de roman doudou comme j'ai pu le lire ici ou là, et le chat Grendel est une sale bête psychopathe qui n'a d'autre activité que d'écorcher tous ceux qui passent trop près de la rangée de livres sur laquelle il se serait installé. Gardien du Temple, mouais.

 

Pour moi le roman tient surtout à la personnalité de Maggie, au parcours semé d'embûches qu'elle traverse pour trouver sa voie et s'affirmer, aux personnages secondaires tout aussi délurés qui l'entourent, bien plus qu'à un quelconque amour des livres. Certes quelques titres sont cités, des romances historiques pour la plupart, mais qui ne sont pas parvenus à m'enthousiasmer. Le club lecture n'est que prétexte au départ, il ne devient pas un rendez-vous régulier. Le chat est utilisé à contre-emploi, et le débat grande chaîne de librairies / petit commerce indépendant est esquissé sans être entièrement le vrai sujet non plus. A vrai dire, ce Dragonfly, je n'aimerais pas le fréquenter, avec son patron et ses employés tous plus frappadingues l'un que l'autre.

 

J'ai trouvé le style bavard et s'éparpillant trop dans tous les sens, j'aurais préféré un récit plus sobre et tempéré, même si c'est ce style accolé à la personne de Maggie qui fait le sel du roman.

 

Le fait de le lire dans une « édition spéciale presse & libraires » n'a sans doute pas aidé, malgré sa belle couverture colorée, une appellation « épreuves non corrigées » eût été plus directe (et c'est ce qu'elle était en réalité) car bien des phrases m'ont agacée, celle-ci par exemple :

 

p. 290 « C 'est un super grand flot fumant de génialitude, poupée ! Pour toi aussi. Je n'aurais jamais pensé pouvoir trouver un projet comme celui-ci avec une entreprise de librairie. » [Hein??]

 

Et dans la version vendue en librairie, cette phrase est devenue :

p. 290 « C'est carrément super génial, poupée ! Pour toi aussi. Je n'aurais jamais pensé pouvoir trouver un projet comme celui-ci avec une chaîne de librairies » .

 

Je n'ai pas relu page par page et ligne par ligne la version définitive mais dès la première page les corrections sont notoires, l'ensemble a en effet été retravaillé. Ouf.

 

Il n'en reste pas moins que je suis un peu déçue, sans doute trompée par le pitch trop prometteur de la 4ème de couverture. Enjoué et exubérant, peut-être un peu trop, séduisant malgré tout, un bon roman détente pour les vacances l'été au bord de la piscine. Sans plus.

 

 

Préludes (un Label du Livre de Poche), mai 2015, 370 pages, prix : 14,60 €

Étoiles :

Crédit photo couverture : © studio LGF / Shutterstock/ éditions LGF – Préludes

 

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Je m'appelle Livre et je vais vous raconter mon histoire – John Agard

13 Janvier 2015, 10:00am

Publié par Laure

Illustré par Neil Packer, traduit de l'anglais par Rose-Marie Vassallo

 

Curieux ouvrage publié par un éditeur jeunesse (Nathan) mais qui s'adresse à vrai dire à tous, à partir de 11/12 ans. Je m'appelle Livre est une histoire du livre (et de l'écriture) de la naissance des tablettes sumériennes en argile à l'ebook d'aujourd'hui, racontée sous une forme romanesque, à la première personne, par un personnage nommé « Livre » (cf. titre)

 

Le récit s'intercale d'illustrations (en noir) de Neil Packer que personnellement je n'ai pas appréciées plus que cela, et de poèmes et citations variées ayant trait bien sûr au livre.

 

Je reste mitigée sur cet ouvrage, je ne suis pas convaincue par la forme choisie, malgré l'humour, je trouve les tournures de phrases parfois un peu bizarres, du fait de ce choix de narration. Un documentaire illustré de photographies aurait été plus efficace, mais aurait perdu par là-même son originalité.

 

Je me demande si ce livre trouvera son public (et lequel?), autrement qu'auprès des amoureux de la lecture. L'objet est soigné, couverture en carton rigide, jaquette en relief, sobre, il est en cela un bel hommage.

 

L'histoire du livre à travers les siècles étant pour partie un élément indissociable de mon job, je n'y ai pour ma part rien appris, gageons donc que l'intérêt sera bien présent pour les jeunes et les novices qui souhaiteraient en savoir un peu plus. Le livre numérique n'est pas descendu en flammes mais poliment vu comme un cohabitant, ami du narrateur.

 

Quelques extraits :

 

p. 42 « Les Grecs nommèrent le papyrus byblos, du nom du port de Byblos par lequel ils importaient cette plante en provenance d’Égypte. Écrit plus tard avec un i, ce mot est à l'origine de quantité d'autres mots me concernant, moi, Livre. Mon préféré est peut-être « bibliophile », amateur de beaux-livres. »

 

p. 113 : « Lorsque j'entends des politiciens parler de fermer une bibliothèque publique par mesure d'économie, je leur flanquerais bien un coup sur la tête. Et je peux faire mal, avec ma reliure. »

 

 

Nathan, janvier 2015, 140 pages, prix : 13,90 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © Neil Packer et éd. Nathan

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