Les jardins d'Hélène

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Avant la chute - Fabrice Humbert

24 Août 2012, 09:55am

Publié par Laure

 

 

avant la chuteLe nouveau roman de Fabrice Humbert dit, au moyen d'une narration chorale dans laquelle trois histoires se rejoignent, toute la violence du monde et la suprématie de l'argent, avec ses dérives, et le fil rouge ici de la drogue et de ses organisations qui prennent le pouvoir, en Colombie, au Mexique, aux États-Unis, ou plus près de nous, en banlieue parisienne.

 

Dans un petit village de Colombie, Emanuel et Yohanna Mastillo sont de modestes paysans qui vendent leur production de bananes et de maïs pour vivre et élever leurs deux filles Sonia et Norma. Mais mondialisation oblige, les prix ne cessent de chuter. Un homme leur conseille alors de transformer leurs cultures en plantation de coca, marché bien plus rentable et qui sert les révolutionnaires. Jusqu'au jour où un paramilitaire surgit et détruit tout, fusillant froidement Emanuel, le père de famille. Ainsi est posé le premier chapitre du roman. C'est le début de l'exil pour sa femme et ses filles, les deux jeunes femmes deviendront des migrantes en proie au danger permanent en tentant de rejoindre les Etats-Unis.

Pendant ce temps-là au Mexique, le sénateur Fernando Urribal gère d'une autorité ferme son grand domaine. L'auteur s'attachera à nous décrire ses versants sombres et le fonctionnement des cartels avec les autorités politiques.

En région parisienne, Naadir et son frère Mounir assistent à l'enterrement d'un jeune de la cité. Violences urbaines, guerre des bandes rivales, enjeux de la drogue et haine de la police. Un peu plus à l'écart, sinon qu'elle est reliée au reste par le fil conducteur de la drogue, du pouvoir et de la violence, cette histoire est touchante par le réalisme décrit et le personnage de Naadir, qui porte en lui l'espoir d'une rédemption, élève à contre-courant d'une école désespérée et condamnée.

 

Si la construction choisie (alternance des chapitres reprenant chacune des trois histoires) peut sembler artificielle, elle fonctionne, tant le désir de retrouver et suivre les personnages est forte auprès du lecteur. De même si l'on aurait pu craindre des situations trop « clichés », l'ensemble captive sans ennuyer, avec une ouverture et une fin d'une grande force, ne laissant toutefois guère de lueur d'espoir au lecteur quant à la noirceur du monde.

Avant la chute dit le titre, mais la chute n'a-t-elle pas déjà eu lieu depuis longtemps, quand on lit ce roman de Fabrice Humbert ? Il reste toujours une petite étincelle, celle de la vie qui lutte, qui espère et qui veut y croire, à travers les personnages de Norma et Naadir, mais pour combien de temps encore ?

Avant la chute est un grand roman qui parle de la violence de notre monde, de sa pourriture fétide et de son autodestruction insouciante devant les hommes, dans un écho hélas bien réaliste.

 

logo-on-vous-lit-tout.jpegMerci à Mimipinson qui en a fait un livre voyageur, après l'avoir reçu dans le cadre de l'opération On vous lit tout ! du site Libfly et du Furet du Nord.

 

Le Passage éditions, août 2012, 276 pages, prix : 19 €

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Crédit photo couverture : ©Le Passage éd.

 


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Laisser les cendres s'envoler - Nathalie Rheims

21 Août 2012, 07:16am

Publié par Laure

 

Premières phrases :

 laisser les cendres s'envoler« J'ai perdu ma mère. Elle a disparu il y a plus de dix ans. Ma mère est morte, je le sais. Mais, lorsque j'y pense, je ne ressens aucun chagrin, pas la moindre émotion. Tout reste plat comme une mer gelée, pas un seul petit frémissement à la surface de l'eau. Quand je pense à elle, il ne se passe rien. »

Alors qu'elle était encore adolescente, la mère de la narratrice a quitté le foyer pour suivre un amant qui l'a envoûtée tel un gourou, artiste qui l'a manipulée pour utiliser sa fortune. La narratrice en est profondément marquée, ne comprenant pas l'abandon de sa mère envers elle. Une mère peut-elle ainsi laisser sa fille ? L'amour maternel n'est-il pas inconditionnel ? Il lui aura fallu des années, longtemps après sa mort, pour revenir sur ces années, sa douleur et sa révolte tues, conformément aux règles familiales où le silence est roi.

Sentiments ambivalents sur ce court roman aux accents profondément autobiographiques (l'est-il?) car il m'a été difficile de rester en empathie avec la narratrice qui si elle s'exprime enfin (et définit ainsi le rôle de l'écriture dans sa vie), reste néanmoins dans un discours (trop ?) lisse, fade, conventionnel. Trop de retenue, comme si elle ne livrait pas totalement ses sentiments profonds. Et quid du père trop absent qui disparaît quasi du récit, de ses relations avec lui ? Certains passages retournent même la bonne volonté du lecteur : la pauvre petite fille riche ne parvient plus à émouvoir, même si à d'autres moments on la sent détachée de tout cela. Même si l'on n'est pas forcément plus heureux dans une grande famille bourgeoise, il est difficile de pleurer à la description des clochettes pour appeler les domestiques qui viendront vous servir le thé. Les passages relatifs au vide intérieur de la jeune femme, son rapport à la nourriture, sont bien plus touchants et justes. Mais la violence et la souffrance restent trop intérieures, muselées dans ce carcan familial trop bien élevé que les années ne parviennent que trop peu à desserrer.

Il faut reconnaître néanmoins à Nathalie Rheims une très belle écriture, sobre, classique, sans emphase. Et la beauté du titre, pour se libérer de ce trop grand poids subi à un moment de la vie. Faire la paix, au moins avec soi-même.

 

 

éd. Léo Scheer, août 2012, 254 pages, prix : 19 €

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Crédit photo couverture : ©éd. Léo Scheer

 

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La liste de mes envies - Grégoire Delacourt

17 Juillet 2012, 07:08am

Publié par Laure

 

liste-de-mes-envies.jpgAh le voilà le roman bonbon qu'on peut conseiller à tous ! Facile, rapide, mais plein de vérité(s), du baume au cœur en dépit d'une pointe d'amertume...

Jo, 47 ans, deux grands enfants (« Trois en fait. Un garçon, une fille et un cadavre » p. 16) est mercière à Arras, ce n'était pas vraiment son rêve, mais c'est la vie, parfois le chemin se trace tout seul, mais cette vie, elle l'aime bien Jocelyne, entre sa boutique, son homme (Jocelyn!) et son blog aux dixdoigtsdor qui donne du rêve aux couturières en herbe.

Quand par hasard pour faire plaisir aux copines jumelles qui la tannent avec ça, elle joue une grille flash à l'euromillions, elle est loin d'imaginer qu'elle sera la gagnante des dix-huit millions d'euros et quelques broutilles. Elle ne s'en rend pas compte tout de suite d'ailleurs. Puis surtout, elle ne veut pas que sa vie change...

Et l'argent pervertit tout, non ? Les psychologues de la Française des Jeux la mettent bien en garde : tout le monde va l'aimer, tout le monde va avoir une bonne cause à défendre, etc. Mais le sort une fois encore décidera pour elle...

Le sujet paraît convenu et sans grande surprise, mais Grégoire Delacourt a l'art et la manière de la formule, de la petite phrase qui fait mouche. Dans une langue très simple, il décrit sans pareils les sentiments intérieurs de Jocelyne, son rapport au corps, à la féminité, au couple. Il a l’œil, et un œil acéré, sur la vie et la nature humaine. Son personnage féminin est une belle âme, louable, fidèle à sa vision de la vie. Mais pour un milieu modeste, ces gens de peu qu'on veut nous faire voir, elle a quand même sacrément de la culture cette Jocelyne, les références culturelles ne manquent pas, et voyez comme il est fort Delacourt, je relirais bien Belle du Seigneur, là, tout de suite.

 

P. 29 : « Nous nous rencontrâmes pour la première fois à la mercerie alors qu'il venait y acheter trente centimètres de dentelle de Valenciennes pour sa mère, une dentelle aux fuseaux à fils continus, très fine, aux motifs travaillés en mat ; une merveille. C'est vous qui êtes une merveille, me dit-il. Je rougis. Mon cœur s'emballa. Il sourit. Les hommes savent les désastres que certains mots déclenchent dans le cœur des filles ; et nous, pauvres idiotes, nous pâmons et tombons dans le piège, excitées qu'un homme nous en ait enfin tendu un. »

 

Lu dans le cadre du 1er Grand prix des Lecteurs du Maine Libre, verdict à la 25ème heure, le salon du Livre du Mans, le 14 octobre 2012.

Les cinq romans en lice sont:
« Le gouverneur d’Antipodia » de Jean-Luc Coatalem (Le Dilettante)
« La liste de mes envies » de Grégoire Delacourt (JC Lattès)
« Ce qu’il advint du sauvage blanc » de François Garde (Gallimard)
« Les sacrifiés » de Juliette Morillot (Belfond)
« L’homme à la carrure d’ours » de Franck Pavloff (Albin Michel).

 

JC Lattès, février 2012, 185 pages, prix : 16 €

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Crédit bandeau couverture : © Mitch Hrdlicka / GO Premium / GraphicObsession et éd. JC Lattès


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La bibliothèque du Docteur Lise - Mona Thomas

15 Juillet 2012, 11:58am

Publié par Laure

 

bibliotheque-du-docteur-lise.jpgLise Ménard est cancérologue à Paris, de nos jours. Un anthropologue la rencontre pour des entretiens à bâtons rompus autour de son métier et des lectures.

Si je connaissais les collections « bleue » et « framboise » de chez Stock, je ne connaissais pas encore la verte, plus exactement appelée « la forêt » et dirigée par Brigitte Giraud, auteur que j'aime beaucoup par ailleurs. J'avoue ne pas bien percevoir la ligne éditoriale de cette nouvelle collection, qui publie des textes de littérature sans a priori sur la forme, romans, récits, nouvelles…, dont la démarche d’écriture, la voix et le travail sur la langue font preuve d’un engagement fort et singulier. C'est le cas d'un peu toutes les collections, non ?

Il est précisé « roman » sur la page de titre, c'est nécessaire sans doute, car c'est vrai qu'au fil du texte on ne sait pas très bien si l'on est dans un témoignage réel ou une fiction. Peu importe à vrai dire.

C'est bien sûr le genre de livre qui fait la part belle à la littérature, et qui au détour de la conversation, cite un nombre important de titres qu'on ne peut s'empêcher de noter pour la plupart. Néanmoins je ne perçois pas de fil conducteur logique dans cette histoire, juste un prétexte à parler littérature de façon un peu brouillonne. On ne parle pas vraiment médecine, ni entièrement littérature. Les deux sont mêlés de manière informelle, sans objectif particulier, ou alors je ne l'ai pas perçu. J'ai davantage le sentiment d'une recension d'ouvrages parlant de la maladie, des patients, de la relation du malade au médecin et qu'on aurait casés là sous prétexte d'un roman sur cette cancérologue dont on dépouillerait les bibliothèques.

Agréable à lire, mais un peu fourre-tout ?

 

p. 130 « Sachez qu'il fut un temps où, à part le châtelain abusif (référence à Perturbation de Thomas Bernhard dont elle parle plus haut), les gens appelaient quand ils avaient quelque chose. Maintenant ils appellent pour une urgence bien avant la moindre petite douleur. Ce n'est pas rien d'être soumis de façon durable à la plainte d'autrui, je vous assure. On entend quelque fois, Le docteur est dur, il n'écoute pas. En réalité le docteur est usé. »

 

p. 152-153 : « Médecin, on est convaincu d'agir pour le bien-être des gens, on ne dépassera pas un certain degré d'action, une manœuvre inscrite dans un schéma non pervers, qui réponde vraiment à quelque chose d'essentiel. Sinon, perte d'énergie, de confiance, du plus précieux. Simplement, reconnaissez que pour dire ça, il faut une expérience et une délicatesse que je n'ai pas acquises toute seule ou à la fac, mais dans la fréquentation assidue de ma bibliothèque. Parce qu'un roman ce n'est pas seulement une histoire. Un grand roman, c'est parfois à peine une histoire. En ça je vous assure, la littérature m'assiste et ne cesse de me soutenir dans l'exercice de la médecine. Vous comprenez pourquoi Henry James a sa place parmi mes livres ? A cause de sa subtilité qui m'aide à entendre les gens. À côté de Tanizaki. »

 

Mais ses références ne sont pas que classiques ni écrites :

p. 73 : « Des patients nous citent House comme le super doctor qu'ils auraient consulté la veille. Bien plus de gens qu'on ne l'imagine oublient qu'ils ont vu un acteur, qu'il s'agit d'un scénario et que les grands malades du film sont des comédiens en pleine forme, à commencer par celui qui joue House d'ailleurs, ne souffrant pas plus de la jambe qu'il n'est accroché au Dicodin. Au lieu de discuter, je mets House de mon côté. Un malade me dit, la voix anxieuse, Vous êtes sûre ? Oui. Certaine ? Maintenant qu'il y a Docteur House, je dis, on n'a pas le droit de se tromper de diagnostic. Grâce à l'incroyable créativité des séries américaines, on dispose de toutes les solutions, vous pouvez être tranquille. Ou pour détendre l'atmosphère d'une consultation qui risque d'être tendue, Ne vous inquiétez pas, je dis, on va s'en sortir, il suffit de trouver le bon épisode du Docteur House. »

 

Stock, coll. La Forêt, mars 2011, 196 pages, prix : 17,25 €

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Crédit photo couverture : © éd. Stock


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Comme des larmes sous la pluie – Véronique Biefnot

12 Juin 2012, 15:17pm

Publié par Laure

comme-des-larmes-sous-la-pluie.jpgNaëlle est une jeune femme solitaire qui travaille dans un magasin de tissus et ne semble trouver de réconfort qu’auprès de son chat Nicolas et des livres, notamment des romans de Simon Bersic.

Simon Bersic, écrivain donc, vit avec son fils adolescent, et ne s’est jamais vraiment remis du décès de sa femme.

Entre les deux, un couple d’amis de Simon, famille modèle, Céline, Grégoire et leurs deux enfants. Céline est décoratrice d’intérieur et s’approvisionne dans le magasin où travaille Naëlle, qui est d’ailleurs sa vendeuse et conseillère de référence.

Je vous laisse imaginer la romance qui va naître …

Entre ces différentes voix qui donnent leur prénom aux chapitres, une voix anonyme, différente, qui semble narrer un événement dramatique dont on comprend très vite qu’il s’agit d’un fait divers sordide ultra médiatisé (voyez du côté de Room, et Claustria, …)

 

Pendant les deux premiers tiers du roman, j’ai trouvé cette lecture terriblement lisse et prévisible. De beaux clichés (les bas qui crissent, ils sont tous beaux, tristes et seuls, abîmés par la vie, ont malgré tout la réussite pour eux, et bien sûr on va les réunir). Le lecteur a toujours un temps d’avance sur la narration, peut-être parce que les fils de trame sont convenus et apparents, on devine sans problème ce qui va se passer au chapitre suivant. Je ne me voyais pas d’autre réflexion que de conseiller ce livre comme une bonne alternative aux lecteurs friands de Marc Lévy et Guillaume Musso, on est dans le même registre, un cran au-dessus peut-être. Puis le dernier tiers m’a finalement enfin captée, peut-être parce que le temps de la lecture rejoint enfin le temps de la narration : le lecteur n’a plus systématiquement une longueur d’avance, on vit les événements en même temps qu’ils nous sont contés, et là ça fonctionne enfin, la bluette gagne un peu en complexité et léger suspense, au point de réussir son pari : attacher le lecteur aux personnages, et lui donner envie de lire la suite !

 

Comme des larmes sous la pluie est en effet le premier volet d’une trilogie, dont le deuxième tome, les murmures de la terre, a déjà paru aux éditions Héloïse d’Ormesson.

Si d’emblée je pensais n’aller jamais plus loin que le 1er tome, je reconnais avoir pensé continuer la route avec Naëlle et Simon. Mais le second tome (qui peut se lire sans connaître le premier, annonce l’éditeur) semble faire la part belle au chamanisme, et pour cela, j’avoue que j’ai déjà été échaudée avec Cohen.

 

En conclusion, Comme des larmes dans la pluie est un premier roman bien construit, qui saura séduire les lecteurs occasionnels ou les amateurs de romance, mais laissera sur leur faim les lecteurs aguerris qui y verront un canevas trop bien tissé, trop romantique et peu crédible. Je rejoins en ce sens le point de vue de Miss Alfie, même si elle parle plutôt de l’aspect thriller. Je le mettrai volontiers dans ce qu’on appelle et sans que cela soit péjoratif, un bon roman de plage. A lire l’été les doigts de pied en éventail, sans en attendre autre chose qu’une belle histoire d’amour et un moment de détente. 

 

Lu en juin 2012 dans le cadre d’un partenariat avec le Livre de poche.

 

Le livre de poche, juin 2012, 354 pages, prix : 7,10 €

(1ère publication : éd. Héloïse d’Ormesson, 2011)

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Crédit photo couverture : © Ingvil Holm / Millenium Images et LGF / Le livre de poche.

 

 

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Si tu existes ailleurs - Thierry Cohen

31 Mai 2012, 11:16am

Publié par Laure

si-tu-existes-ailleurs.jpgRarement il m’a été donné de lire un roman aussi creux et insignifiant. Ceci dit, j’aurais dû me méfier : avec une couverture et un titre pareils, ça ne vous évoque pas nos amis Lévy et Musso ? Ajoutez une pincée de Coelho, et le cocktail est prêt.

 

Alors qu’il était enfant, Noam a assisté au décès de sa mère, renversée par une voiture sous ses yeux. Et les paroles d’une passante (« c’est la faute de l’enfant ») l’ont culpabilisé à vie. Le roman s’ouvre donc sur le récit de cette scène dans le cabinet du docteur Laurens, « psy » renommée (le fantôme de Dolto n’est pas loin), qui demande à l’enfant âgé de 6 ans de décrire un dessin. On ne saura jamais ce qu’il y a sur le dessin qui n’est pas décrit, mais le récit de l’accident est d’une précision rare avec moult détails. Hum, pas très cohérent. Plus de trente ans après, Noam peine toujours à se réaliser et à construire une vie de couple,  probablement toujours empreint du drame de son enfance. La psy n’a pas vraiment fait preuve de son efficacité, elle qui l’a suivi pendant plus de dix ans et reçu encore à l’âge adulte. Noam souffre toujours d’angoisses et ça ne va pas s’arranger quand sa nièce de 3 ans lui annonce qu’il mourra du cœur en même temps que 5 autres personnes.

La psy jette et l’éponge et l’envoie chez une étrange collègue, une « sorte de psy » (sic), qui verse dans le mysticisme. Et c’est parti pour une série d’aventures aussi grotesques qu’irréalistes. Le pire, c’est que le dénouement de l’histoire tient la route, si j’écarte la guimauve sentimentale finale, mais il est fort dommage d’avoir dû subir 300 pages aussi creuses avant d’en arriver là.

Ce qui m’a surtout agacée dans ce roman, c’est la « sauce psy » d’une superficialité éhontée, qui mêle joyeusement toutes les disciplines (psychologue, psychothérapeute, psychiatre, psychanalyste, …) d’ailleurs à quoi bon s’embarrasser, l’auteur se contente d’appeler son héroïne la psy, c’est plus simple (en précisant parfois qu’elle est psychiatre renommée pour redevenir psychologue un peu plus loin). Je bondis quand je lis un tel salmigondis d’approches à l’emporte-pièce, ainsi les crises d’angoisse ne seraient autre que « la crise de la quarantaine, de la cinquantaine, l’angoisse existentielle » «  Y a-t-il des traitements contre cette maladie ? » Ce n’est pas une maladie, Noam » (p.105) L’auteur souhaite-t-il que je lui transmette une bibliographie sur les attaques de panique / troubles anxieux, maladie qui se soigne avec un traitement adapté et un médecin compétent et dont on peut souffrir à 20 ans (elle a bon dos la quarantaine), et dont on peut guérir, aussi. Mais il faudra faire mieux qu’une « sorte de psy » de roman, ça c’est sûr.

P. 120 : « - Mon histoire vous touche ? Marrant, je croyais que les psys ne devaient pas dévoiler leurs émotions ? 

- Les psys peut-être, reconnut Linette, embarrassée. Mais je vous l’ai dit, je suis une thérapeute d’un autre genre et l’empathie fait partie de mon approche. Elle est également une des composantes de mon caractère. »

Une « thérapeute d’un autre genre », voilà autre chose… Les psy(chologues, chiatres, chothérapeutes) sont des êtres humains qui ont des émotions comme les autres, et en général pas mal d’empathie pour exercer un tel métier. Seuls les psychanalystes peut-être se doivent de rester de marbre, les autres sont dans l’échange.

Mais j’ai dû trop réduire mon âme pour comprendre :

p. 119 « Chaque âme possède sa propre dimension. Il convient simplement de ne pas la forcer à être ce qu’elle n’est pas, à aller là où elle ne veut pas aller et surtout, éviter de la réduire. » Vous remarquez comme cela veut absolument tout et rien dire. C’est quoi réduire son âme ?

p. 286 « Quant à la « communication facilitée », elle comportait une assise pseudo-scientifique suffisamment plausible pour que tu acceptes la « théorie de la prophétie des innocents ». Sarah, elle, était la passeuse, celle qui te livrait les clés d’un monde parallèle. » C’est bien là le problème de ce roman : tout est pseudo-quelque chose, pseudo-psy, pseudo-scientifique, mais surtout, surtout, n’essayons pas d’expliquer. Le lecteur décérébré se contentera de l’assise pseudo-fourre-tout, c’est juste un roman oh !

Et 300 pages plus loin on se demande toujours si la mort de sa mère est la cause de son blocage … euh, c’est ce qu’on posait dès le départ, non ? On n’a donc pas vraiment progressé.

 

Toujours est-il que je n’ai pas vu « le suspense haletant, les personnages sincères et attachants, et l’histoire envoûtante que vous n’oublierez jamais » annoncés en 4ème de couv. J’ai juste bien rigolé. (Et parfois pensé que ce genre de bouquin pouvait être dangereux pour les gens psychologiquement fragiles)

 

Flammarion, mai 2012, 327 pages, prix : 19,90 €

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Crédit photo couverture : © Studio création Flammarion

 

 

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L'amour avant que j'oublie - Lyonel Trouillot

29 Mai 2012, 14:19pm

Publié par Laure

l-amour-avant-que-j-oublie.jpgPremière lecture pour moi de cet auteur haïtien. Si j’ai eu un peu de mal à entrer véritablement dans le roman (écriture dense et foisonnante, aucune aération dans le texte – ni paragraphes ni alinéas) j’ai tout de même été séduite par cet univers riche et littérairement dépaysant.

Alors qu’il rencontre une jeune femme lors d’un colloque et n’ose l’aborder, celui que l’on nomme ici  l’Ecrivain lui écrit un roman dans l’urgence. Raconter les autres pour peut-être en dire un peu de lui. Il convoque dans son récit les Aînés qu’il a fréquentés alors qu’il était jeune enseignant et syndiqué et habitait la même pension de Port-au-Prince. Trois personnages hauts en couleur, qui tous ont vécu une histoire surprenante, trois personnages qui donnent leur nom aux trois parties du roman : l’Etranger, l’Historien, et Raoul. J’ai beaucoup aimé les deux premiers, l’histoire du dernier m’a un peu plus égarée, tant s’emmêlent tout du long les fractures du temps et des lieux, de l’imaginaire et du réel, du récit et du dialogue qui n’apparaît pas immédiatement comme tel. Les histoires des trois personnages se reprennent et se poursuivent en permanence, et malgré cette construction qui m’a parfois un peu perdue, j’en garde le souvenir d’un beau texte, riche et poétique.

Ce n’est pas un roman jetable qui se lit et s’oublie, au contraire, il donne envie d’y revenir, de relire certains passages et revivre un temps les émotions de ces personnages aux rêves malmenés.

 

p. 33-34 : « Il se savait mourant mais il ne voulait pas donner à son histoire une portée universelle. Vers la fin, sa voix était devenue un râle, mais ce n’était pas un râle triste. J’en ai déduit, je n’ose pas encore le crier en public, le devoir d’apprendre à écrire sous la dictée des absents pour fondre toutes les vies en une seule grande histoire. J’écris pour te parler et garder en mémoire l’étrangeté des chemins qui conduisent à l’amour. »

 

p. 36 : « J’ai peur de la proximité. Ecrire est moins vain qu’on ne le croit. C’est la proposition d’une présence différée. […] Je préfère t’écrire ce roman d’apprentissage par vieux messieurs interposés. Je me protège en cultivant cette prudence si chère aux auteurs réalistes. »

 

Merci à Véro pour la découverte !

 

Actes Sud, coll. Babel, août 2009, 182 pages, prix : 6,60 €

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Crédit photo couverture : © Steve Perraultn Internal Awareness, 2009, et éd. Actes Sud.

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7 ans après... - Guillaume Musso

12 Mai 2012, 18:02pm

Publié par Laure

 

7-ans-apres.jpgOui, j'en vois certains s'étrangler derrière leur écran : elle va quand même pas nous parler de Musso ?! Déjà qu'on ne peut plus prendre un train sans le voir démultiplié jusqu'au bout de chaque quai sur les panneaux Decaux...

Musso - et consorts LevyPancolCoben - sont cause d'une souffrance pénible pour les bibliothécaires. Non pas sur le contenu, ce n'est pas le problème, chacun lit ce qu'il veut, mais sur le comportement que ces auteurs induisent auprès de leurs lecteurs. Agressivité, impatience, énervement, impolitesse (je vous jure qu'il faut parfois se retenir très fort pour ne pas répondre que s'ils n'acceptent pas d'attendre parce que le livre est déjà emprunté, ils n'ont qu'à aller se l'acheter. Non on n'achètera pas trente exemplaires pour satisfaire une demande aussi pressante qu'éphémère pour en pilonner 29 exemplaires dans six mois quand le prochain paraîtra. En acheter 30, c'est se priver de la diversité et de la richesse de 29 autres livres. On achète un exemplaire (les grosses structures ou les réseaux en achètent un peu plus, soyez rassurés) et le lecteur impatient est prié d'aller râler ailleurs. De même que non on ne peut pas l'acheter s'il n'est pas encore sorti, c'est étonnant ce nombre de lecteurs qui posent toujours la question des fois que, et non on ne peut pas encore le réserver avant qu'il sorte (y pas marqué Am*z* au-dessus de la porte, mais « bibliothèque »)).

Voilà, ça, c'est fait.

 

Si j'avais lu les trois premiers romans de Marc Levy au début des années 2000 (et vite compris que je lirais toujours à peu près la même chose si je continuais), je n'avais encore jamais lu de Guillaume Musso. Voilà qui est réparé avec ce dernier titre, 7 ans après...

 

Nikki et Sebastian sont aussi différents que le jour et la nuit, mais ils se sont aimés quelques années, le temps au moins d'avoir des jumeaux, Camille et Jeremy. Leur divorce a séparé également les enfants : le père a gardé la fille, la mère a gardé le fils. Il faut dire que le père a un caractère autoritaire, rigide et franchement insupportable. Mais quand leur fils Jeremy disparaît, l'amour parental reprend le dessus, et le couple se retrouve pour partir à sa recherche (à travers plusieurs continents et moult péripéties tant qu'à faire)

Il n'y a pas à dire, le genre (à moins que ce ne soit le cahier des charges?) est maîtrisé : page turner efficace, écriture rapide et cinématographique (on voit quasiment le film se dérouler sur grand écran), dernière phrase de chapitre courte et d'accroche pour vite passer au suivant. Cet opus-ci tient du thriller, sans grande originalité (la drogue, l'hémoglobine à flots, des personnages principaux dans le pétrin, etc.) mais efficace. Bien sûr ils sont beaux ils sont riches ils règlent un peu leurs comptes, bien sûr ils sont américains et tout leur sourit ou presque et ça ne me fait pas rêver du tout. C'est tellement convenu tout cela.

Mais ça fonctionne, puisqu'on va au bout, très vite même. Le côté glamour un peu forcé à renfort de clichés sonne la nouvelle vague du thriller romantique, et j'aurais pu dire que finalement ça avait au moins le mérite d'être convenablement ficelé, si l'auteur n'avait ajouté ce dernier chapitre en guise d'épilogue, d'une niaiserie sirupeuse qui frôle le ridicule. Un cliché de plus pour les âmes romantiques ?

 

Ce n'est pas si mauvais en soi, non, ça ne m'apporte pas grand chose. Je n'ai pas ri ni tremblé ni souri ni pleuré, je n'ai pas eu l'envie soudaine de lire tout l’œuvre de l'auteur, et peut-être que le quai de gare est une bien belle idée : le temps d'un voyage pour passer le temps, et on le laisse au voyageur suivant.

 

L'avis éclairé du nouvel obs (n° du 3 mai 2012)

 

 

XO éditions, avril 2012, 385 pages, prix : 21,90 €

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Crédit photo couverture : © Sophie Griotto et XO éd.


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Entre chien et louve - Gudule

2 Mai 2012, 05:54am

Publié par Laure

 

entre-chien-et-louve.jpgJean vient de décéder, Astrid, son épouse ramenée d'Afrique il y a bien longtemps se retrouve donc veuve. Le fantastique est au rendez-vous, léger, bien amené, permettant une intéressante relecture du couple. Car c'est en chien errant que Jean est réincarné. Alors que jusque là elle n'aimait guère les animaux, Astrid va le recueillir, l'adopter, en faire son fidèle confident, son protecteur, jusqu'à l'appeler Fidèle, comble de l'ironie quand on écoute Astrid lui raconter son passé !

Que sait-on vraiment de l'autre quand on vit en couple ? Qu'en est-il réellement du bonheur apparent ? S 'arrange-t-on avec ce que l'on veut bien voir ? C'est muselé par sa nouvelle enveloppe canine que Jean va recevoir ces confidences, tout en vivant sa vie de chien en allant visiter la chienne du voisin, celle qui est là depuis longtemps, et dont on dit que son maître, un trisomique, la fait s'accoupler une fois par an avec une louve.

Le texte se veut sensuel, entre les souvenirs de Jean, de sa « négresse » séduite à 10 ans, ramenée à 12 (!), ceux d'Astrid, et le rut plus brusque de l'animal, qui piste les odeurs de la chienne dès qu'il sort. Il faut bien que la rage de Jean s'exprime, prisonnier des traits de Fidèle.

Une fin particulièrement soignée et étonnante pour ce court texte découvert grâce aux petits prix des offres en numérique.

 

 

Bragelonne, 2008 (139 pages)

Acheté en numérique lors d'une offre promotionnelle à 0,99 €. (tarif habituel : 2,99 €)

(ce sont ces petits prix attractifs qui me font découvrir des textes vers lesquels je ne serais probablement pas allée en version brochée à prix habituel éditeur)

En version papier, se trouve encore d'occasion chez Denoël, collectionPrésence du Fantastique, sous le nom d'Anne Duguël, ou plus facilement dans le tome 1 de l'Intégrale des romans fantastiques de Gudule, « le club des petites filles mortes », chez Bragelonne, 669 pages, 25 €.

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Crédit photo couverture : éd. Bragelonne

 

 


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Un homme ordinaire - Yves Simon

16 Avril 2012, 12:47pm

Publié par Laure

 

un-homme-ordinaire.jpgLa qualité et l'intérêt de cette petite collection ne sont plus à prouver. (voir entre autres, Annie Ernaux, L'autre fille). Dans ce court opus, Yves Simon s'adresse à son père, cet « homme ordinaire », homme de peu, mais homme au grand cœur. Ils n'ont pas toujours été d'accord sur tout, mais chacune des phrases dit l'amour réciproque entre eux. On en apprend un peu plus aussi sur la jeunesse de l'auteur. Un très beau récit, intime, tout en pudeur et retenue.

 

Nil éd., coll. Les Affranchis, novembre 2011, prix : 7,10 €

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Crédit photo couverture : © éd. Nil.

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