Les jardins d'Hélène

romans francais-francophones

Vivre, tout simplement – Julie Léal

8 Mai 2019, 14:31pm

Publié par Laure

Un roman « drôle et touchant » comme l’annonce son communiqué de presse, ça ne se refuse pas. On ne se méfie jamais assez des CP toujours enthousiastes et alléchants.

 

Antonin, 34 ans, est croque-mort, enfin maintenant on dit : employé des pompes funèbres. Il accompagne les familles dans l’organisation des funérailles. Il maîtrise parfaitement son travail (d’autant qu’il a hérité de l’entreprise familiale) mais sa vie personnelle est terne et ennuyeuse. Camille va bouleverser sa vie quand elle va entrer dans sa boutique pour préparer ses propres obsèques. Camille est belle, jeune, joyeuse. Le contraire de ses clients habituels.

 

Le ton est donné dès le début, le lecteur s’aventure dans un roman feel-good, et je n’ai rien contre, ça peut faire du bien de lire de bons romans détente. Celui-ci est court, léger… mais voilà : bien trop léger.

Pas de surprise et un morne ennui, c’est ce que j’ai ressenti au fil de ma lecture. Je crois que l’histoire m’a achevée quand elle a pris le 2ème tournant à la mode après le feel-good : le développement personnel. Alors là, si vous lecteur viviez la même chose, que feriez-vous ? Prenez le temps d’y réfléchir. Mais l’auteure n’accompagne pas la pensée, elle l’évite, comme pour aller plus vite. « Je ne vous dirai pas si j’ai ouvert ce rideau. Mais vous, posez-vous la question : qu’auriez-vous fait ? Qu’auriez-vous décidé ? Ouvrir, pas ouvrir ? Terrible choix. […] Et vous, avez-vous déjà eu votre propre rideau à ouvrir ? » (p. 159).

De même dans une scène d’amour qu’elle élude : « J’ouvre ici une petite parenthèse pour vous dire que, ne vous en déplaise, je ne révélerai rien de ma nuit avec Camille. Désolé de vous laisser sur votre faim, je comprends votre frustration, mais c’est ainsi. Cette nuit magique et irréelle n’appartient qu’à nous. Mon petit feu de joie. » (p. 144.) Ah mais je ne suis pas frustrée, je trouve juste cela un peu trop facile. A force d’esquiver tout ce qui est un peu casse-gueule à écrire, il ne reste plus grande consistance.

 

Vivre, tout simplement, est un premier roman qui semble avoir été auto-édité en mai 2018 (sous le titre, Vivre ! et puis c’est tout) avant d’être repris par les éditions Anne Carrière. A conseiller aux lecteurs de « facile à lire, court, feel-good et tendance développement personnel ».

 

 

 

Anne Carrière, mai 2019, 172 pages, prix : 17 €, ISBN : 978-2-8433-7952-9

 

 

 

Crédit photo couverture : © éd. Anne Carrière

Voir les commentaires

Le matin est un tigre – Constance Joly

22 Avril 2019, 14:24pm

Publié par Laure

Alma est bouquiniste sur les quais de Seine. Mariée, elle a une fille adolescente, Billie, quatorze ans. Celle-ci est malade et s’enfonce de plus en plus, sans que les médecins ne trouvent ce qu’elle a, malgré des hospitalisations de plus en plus spécialisées. C’est en s’absentant à l’appel d’un client en Bretagne qu’Alma va trouver la force en elle de guérir sa fille. Quitte à passer pour folle, elle sait bien que c’est un chardon grandissant qui envahit les poumons de sa fille, et non une tumeur, elle a trouvé cette maladie rarissime dans un ouvrage de botanique du vieil homme qui l’accueille.

 

Ce premier roman de Constance Joly est magnifiquement écrit, dans un style très imagé et poétique. Trop peut-être, ce qui pourrait déstabiliser le lecteur amateur de réalisme. Ici, il faut accepter la descente au fond de soi-même, par le biais d’une histoire initiatique de libération de soi.

 

J’ai beaucoup aimé ce texte sans qu’il soit un coup de cœur : trop éthéré par moments, onirique. J’en admire les qualités sans adhérer totalement : j’aime trop le réalisme dans les romans intimistes….

 

A découvrir néanmoins, pour l’écriture, et l’acharnement de cette mère pour sauver sa fille.

 

 

p. 19 : « Un chardon. Une valise. Une fille malade. Alma est incapable de déchiffrer le rébus qu’est devenue sa vie. Alors, elle rêve de plus belle. Rêver rend les choses moins lourdes. Sans en avoir totalement conscience, elle s’est fabriqué un espace un peu moelleux entre elle et le monde. »

 

p. 48 : « Le matin est un tigre qui rampe doucement, en attendant de vous sauter à la gorge. »

 

 

 

Flammarion, janvier 2019, 153 pages, prix : 16 €, ISBN : 978-2-0814-4489-8

 

 

 

Crédit photo couverture : © éd. Flammarion

Voir les commentaires

Ne m’appelle pas Capitaine – Lyonel Trouillot

17 Avril 2019, 10:49am

Publié par Laure

A Port-au-Prince, Aude, étudiante en journalisme, décide d’interroger pour un devoir un vieil homme surnommé Capitaine, dans le quartier défavorisé de Morne Dédé. Elle est issue d’une grande famille bourgeoise blanche, il vit dans un vieux quartier pauvre et sombre, aux nombreuses histoires sordides.

 

C’est l’histoire d’une rencontre entre deux êtres que tout oppose, l’histoire d’un homme obsédé par un amour passé (qui est donc cette femme qui l’appelait Capitaine ?) qui vont trouver une façon commune de voir la vie, ou ce qu’ils peuvent en faire. Elle est tenace Aude, malgré les obstacles.

 

J’ai eu un peu de mal à entrer dans ce roman, sans doute la richesse de la langue, ample, le rythme parfois saccadé, l’alternance des voix et de la narration, mais je me suis attachée aux personnages. Il m’a manqué certainement aussi une connaissance suffisante d’Haïti. Un beau roman néanmoins.

 

 

Extrait p. 19 : « Le Morne Dédé. Ce qui avait été et ce qu’il en restait. Ce qui avait changé. J’étais venue pour cela. Réaliser mon premier stage de futur grand reporter. Enquêter sur des faits, des dates. Reconstituer une trame. Tissage et discontinuité, selon les termes du directeur. De quoi remettre un bon papier. Ce cours, c’était mon idée. Contre l’avis de la famille. De mes anciens condisciples du lycée français. De Julie, ma cousine préférée et ma meilleure amie. Seul l’oncle Antoine ne s’était pas opposé à mon choix. »

 

p. 45 : « J’ai pris rendez-vous dans ma tête, dans un lieu-dit le Morne Dédé, avec un vieux type qui a la bouche pleine de souvenirs. Joueurs de foot et chanteurs de charme. Institutrices et ménagères. Sa bouche est un lieu de passage, une collecte de petits destins perdus dans les éphémérides. Il ne bouge plus beaucoup et tousse plus que de raison. Mais sa bouche est une vie des autres. On y entend tellement de voix qu’on ne sait laquelle est la sienne propre. Sauf quand monte le cri. Le presque cri. Il tousse trop pour pouvoir crier. Mais cachée sous les autres, il y a sa voix à lui. Une défaite et une révolte. Les deux en même temps. Je me demandais s’il lui viendrait l’envie un jour de me dire qui était cette femme qui entrait dans sa tête à n’importe quel moment, changeait son humeur, lumière et ténèbres, méritant la louange et l’injure. »

 

 

 

Du même auteur sur ce blog : L’amour avant que j’oublie

 

 

 

Actes Sud, août 2018, 147 pages, prix : 17,50€, ISBN : 978-2-33010875-5

 

 

 

Crédit photo couverture : © Kemi Mai / éd. Actes Sud

Voir les commentaires

Grégoire et le vieux libraire – Marc Roger

10 Avril 2019, 09:15am

Publié par Laure

Je me suis fait avoir par le titre, le thème : l’amour du livre et de la lecture, le joli chat en couverture (aucun chat dans l’histoire, pure publicité mensongère attrape gogo de la lectrice cliché avec thé et chat laugh) et si j’ai beaucoup aimé le début, j’ai assez vite été déçue.

 

Monsieur Picquier (impossible de ne pas songer à l’éditeur) est un vieux libraire qui finit ses jours dans un EHPAD, entouré de trois mille de ses livres. Mais il n’est plus en capacité de lire. Il va donc convertir à la lecture à voix haute un jeune embauché dans les cuisines de la maison de retraite : Grégoire Gélin, dix-huit ans tout juste. Grégoire n’a pas eu son bac et n’a pas beaucoup fréquenté les livres.

 

La transmission du plaisir des mots, des textes et des auteurs va vite se faire. A un tel point qu’il n’en reste pas grand-chose de crédible d’ailleurs.

 

Si l’on s’amuse au début, de ce coup de frais et de cette passion que le libraire meurt de transmettre, on tique tout de même très vite sur un style curieux, problème de ponctuation ou choix de vocabulaire, les phrases m’ont paru souvent bancales. On n’échappe pas non plus à tous les poncifs sur les vieux et les maisons de retraite, oui les vieux ça a des problèmes de tuyauterie, ça pisse, ça chie et ça vomit sans plus rien contrôler (c’est vraiment dit comme cela, c’est une réalité certes) mais ajouté à cela les tirades sur la sexualité des pensionnaires entre eux et la libido de Grégoire avec la belle infirmière sénégalaise de dix ans son aînée, n’en jetez plus. Quant à la fin elle m’a carrément paru « too much » et si ce n’avait été dans le cadre d’un projet professionnel, j’aurais abandonné ma lecture en cours de route.

Grosse déception donc.

 

 

Albin Michel, janvier 2019, 233 pages, prix : 18€, ISBN : 978-2-226-43781-5

 

 

 

Crédit photo couverture : © Mehmet Kalkan / iStock / Getty images plus / et. Ed. Albin Michel

Voir les commentaires

Boys - Pierre Théobald

8 Avril 2019, 15:32pm

Publié par Laure

Boys est un recueil de 24 nouvelles dont un personnage, Samuel, est le fil rouge que l’on retrouve tout du long, de 1983 à 15 ans après aujourd’hui, avec son parcours amoureux et son rapport à la paternité.

 

Toutes les nouvelles portent une voix masculine, touchent à la rupture amoureuse, à l’amour, au lien filial, à la maladie ou à la mort. Toutes ont en commun la sensibilité, ce fond de l’âme et du cœur que les hommes trop souvent taisent (boys don’t cry) et que les femmes rêvent d’entendre : les voici donc servies.

 

Ces hommes expriment leurs émotions et leurs pensées et par la plume de Pierre Théobald ils le font avec finesse, pudeur et justesse.

 

J’ai aimé particulièrement les nouvelles les plus longues (et bien sûr la récurrence du personnage de Samuel), trouvant les nouvelles les plus courtes trop frustrantes : on a envie de s’installer plus longtemps avec ces hommes, et j’espère bien lire un jour un roman de Pierre Théobald : le registre de l’intime en tout cas lui réussit.

 

 

 

 

Extrait p. 78/155 (numérique) : « S’écrire… c’est un rituel que l’on a instauré après notre séparation. Pour faire comme si. Comme si les quinze années ensemble pouvaient survivre encore un peu. Comme si, après l’éloignement, on saurait se bricoler une histoire, une suite. Différente. D’adulte à adulte. On saurait faire la part des choses. En dehors de toute rancœur, toute nostalgie, en se défiant de tout regret.

Mais de nos jours qui rédige encore des lettres ? Hormis fourrager le cœur à la pointe du stylo, quelle utilité ? »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JC Lattès, avril 2019, 224 pages, prix : 18,90 €, ISBN : 978-2-7096-6324-3

 

 

 

Crédit photo couverture : © Plainpicture / Hollandse Hoogte / Reyer Boxem (détail) / et éd. JC Lattès

Voir les commentaires

A la ligne : feuillets d’usine – Joseph Ponthus

30 Mars 2019, 14:49pm

Publié par Laure

Qu’ajouter à ce tout ce qui a déjà été dit sur ce premier roman exceptionnel, dans le choix de son écriture, entre prose poétique et vers irréguliers, ce long souffle qui en dehors des citations ne contient pas de point, qui décrit la dureté du monde ouvrier, la précarité des postes d’intérimaires, le mépris de classe, au sein d’une conserverie de poissons ou d’un abattoir. Au rythme de la chaine, la beauté des mots surgit de la violence de l’usine.

 

Éducateur spécialisé en région parisienne, c’est par amour que le narrateur a rejoint la Bretagne et son amoureuse. Il n’a pas trouvé de poste correspondant à ses compétences, il fait de l’intérim en usine. La ligne de production, la ligne d’écriture : la littérature jadis engrangée lui permet de tenir le coup, et d’écrire ces feuillets si justes sur ce monde du travail éprouvant entre crevettes et carcasses, froid et poids, ce monde si peu considéré et si usant physiquement, et dont personne ne parle, ou si peu.

 

Citations musicales, littéraires, réflexions politiques, récit d’un quotidien où l’entraide a sa place : un très beau roman social.

 

 

P .12 : « Au fil des heures et des jours le besoin d’écrire

s’incruste tenace comme une arête dans la gorge

Non le glauque de l’usine

Mais sa paradoxale beauté. »

 

 

Ed. la Table ronde, janvier 2019, 266 pages, prix : 18 €, ISBN : 978-2-7103-8966-8

 

 

 

Crédit photo couverture : © éd. La table ronde

Voir les commentaires

ça raconte Sarah - Pauline Delabroy-Allard

28 Mars 2019, 10:37am

Publié par Laure

L’ouverture est saisissante : une femme est couchée contre le corps d’une autre. On pense dès lors à une scène d’amour, de tendresse ou d’apaisement de crises d’angoisse quand arrive cette phrase :

p. 11 : « Je ne parviens pas, dans cette nuit moite, à détacher mes yeux de son corps nu et de son crâne cireux. De son profil de morte. »

 

Puis vient le retour en arrière sur cette passion amoureuse aussi foudroyante que dévastatrice : la première partie décrit longuement Sarah, en filigrane l’admiration et le mal-être grandissant de la narratrice qui est beaucoup plus effacée, anonyme, invisible.

 

Le récit devient répétitif comme un ressassement mais n’est-ce pas là aussi le propre de la passion, qui élude le monde extérieur ? Mère élevant seule sa fille, l’enfant est quasi inexistante, tout comme son travail de professeur documentaliste dans un lycée : Sarah prend toute la place.

 

La seconde partie se déroule en Italie, je l’ai trouvée plus ennuyeuse. La narratrice perd pied, bascule dans la folie, d’avoir été quittée et d’avoir perdu Sarah. La fin m’a laissée perplexe, l’ai-je vraiment comprise ?

 

C’est une histoire d’amour, de souffrance et de passion somme toute ordinaire qui tient surtout pour son style, phrases courtes, descriptives : Sarah-ci, Sarah-ça, et au milieu un je plus fade. L’ensemble est rythmé, mais mon plaisir est retombé assez vite malgré un très bon début.

 

 

 

 

Lauréat du Prix des étudiants France Culture – Télérama 2018, et du Prix du style 2018.

 

 

 

Lire le début : ici

 

 

 

 

Les éditions de Minuit, octobre 2018, 188 pages, prix : 15 €, ISBN : 978-2-7073-4475-5

 

 

 

Crédit photo couverture : © éd. de Minuit.

Voir les commentaires

Une femme en contre-jour – Gaëlle Josse

24 Mars 2019, 14:26pm

Publié par Laure

J’ai commencé ce nouveau titre de Gaëlle Josse sans savoir de quoi il parlait (je ne lis jamais les 4ème de couverture), mais parce que c’est une autrice que j’apprécie.

 

J’ai donc été surprise de voir qu’il s’agissait d’une biographie, celle de Vivian Maier (1926-2009), photographe exceptionnelle totalement effacée et inconnue jusqu’à sa mort. C’est par hasard que son travail sera mis au grand jour, un jeune homme achetant aux enchères un lot de photos et pellicules pour illustrer un projet. Il ne trouve pas son bonheur mais comprend assez vite grâce à Internet qu’il a mis la main sur quelque chose de rare et précieux. Il n’aura de cesse de réhabiliter le travail de Vivian Maier, qui vécut sa vie entière dans la discrétion et la pauvreté, gagnant sa vie en tant que nurse.

 

Hélas trois fois hélas, j’avais regardé par hasard un court documentaire sur Arte sur la vie de cette femme quelques jours auparavant, je n’ai donc rien appris à la lecture du livre de Gaëlle Josse. Je l’ai lu avec plaisir, mais sans m’y attacher vraiment.

 

Si j’attendais le parallèle avec la création littéraire de Gaëlle Josse elle-même, et le rapport à la création en général, ces pages arrivent très tardivement et sont très brèves.

 

 

Je conseille de découvrir Gaëlle Josse par ses romans en priorité, à moins que vous ne sachiez rien du tout de Vivian Maier et que lire une biographie vous intéresse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ed. Noir sur Blanc, coll. Notabilia, mars 2019, 153 pages, prix : 14 €, ISBN : 978-2-88250-568-2

 

 

 

Crédit photo couverture : © éd. Noir sur Blanc

Voir les commentaires

A nous regarder, ils s’habitueront – Elsa Flageul

8 Mars 2019, 16:49pm

Publié par Laure

Encensé par les animatrices du club lecture auquel j’assiste, je me suis volontiers pliée à la lecture de ce dernier roman d’Elsa Flageul.

 

J’en ressors fort déçue. Si le roman s’attarde à décrire de manière juste et réaliste une naissance prématurée et la peur de la mort qui l’accompagne, je l’ai hélas trouvé d’une bien triste banalité. Je n’ai pas trouvé de profondeur romanesque mais plutôt le simple récit autobiographique d’un vécu personnel, certes bien conduit, mais qui ne suffit pas à le faire sortir de l’ordinaire.

 

Peut-être parce que j’ai trouvé ce couple pédant et prétentieux à bien des égards, une façon peut-être de masquer leur désarroi, mais qui m’a agacée dès le départ. Je n’ai donc pas ressenti d’empathie pour les personnages, et eu l’impression de lire un témoignage déjà mille fois lu ou vu sur le sujet de la prématurité.

 

 

 

Extraits :

P. 82 : « Mais à ce moment-là, le cœur d’Alice est tout petit et sec, circonscrit par la peur, par la douleur, incapable d’aller voir ailleurs s’il y est, incapable d’envisager le reste du monde. Elle s’en fout de cette femme, de son enfant, de son tournant, de ses tourments, elle se damnerait pour que César aille bien et tant pis si au passage on en perd quelques-uns en route. Que les autres se démerdent et que César survive, et que César s’en sorte. »

 

 

P. 128 : « En vérité, je voudrais qu’on nous foute la paix.

C’est impossible de penser ça, impossible de le ressentir mais c’est pourtant le cas. Je ne supporte plus les anecdotes qui se veulent rassurantes : untel est né prématuré, il a aujourd’hui dix-huit ans et entre à Sciences Po, unetelle ne pesait qu’un kilo à la naissance et c’est aujourd’hui une grande fillette de dix ans qui fait du handball. Je m’en fous. Ce n’est pas notre histoire. Ce n’est pas César. Ce n’est pas maintenant. Ce n’est pas moi. La vie n’est qu’une histoire de cas particuliers. Rien ne fait sens. Rien n’est juste. Rien ne se ressemble. Une vie, ça ne se mesure pas. Une vie, ça ne se compare pas. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Julliard, janvier 2019, 183 pages, prix : 18,50 €, ISBN : 978-2-260-03220-5

 

 

 

Crédit photo couverture : © Ayline Olukman / éd. Julliard.

Voir les commentaires

Belle-Amie – Harold Cobert

6 Mars 2019, 11:29am

Publié par Laure

Une suite à Bel-Ami de Maupassant ? Le pari était osé et Harold Cobert le réussit haut la main. Ce que j’apprécie particulièrement chez cet auteur, c’est sa capacité à changer totalement de registre d’un roman à l’autre, et de maitriser tous les genres qu’il aborde. (Cf. par exemple Un hiver avec Baudelaire, L’Entrevue de Saint-Cloud, La mésange et l’ogresse (non chroniqué mais adoré))

 

Je craignais un peu de me perdre, n’ayant pas relu Maupassant depuis mon adolescence, mais Harold Cobert consacre un long premier chapitre à resituer les personnages et le parcours de Georges Duroy, devenu Georges du Roy de Cantel.

 

Entre malversations politiques et financières, Bel-Ami trace sa route vers un siège de député puis de ministre, avant de sombrer dans l’affaire du canal du Nicaragua. A lire cette intrigue qui se déroule à la fin du XIXème siècle, on se surprend souvent à penser que les choses n’ont pas tant changé aujourd’hui.

 

Les personnages féminins (et la façon dont Georges traite les femmes) sont bien sûr centraux, et apportent un dynamisme évident, avec une pointe de mystère qui conduit à la fin en apothéose. L’arrogance du héros, sa détermination dans l’arrivisme sans foi ni loi, tout comme la psychologie des personnages en général sont bien décrits.

 

J’ai beaucoup aimé également la place du journalisme dans l’histoire, l’engagement des femmes pour défendre leur place, car n’étant pas une grande passionnée de politique et de finances, cet équilibre était le bienvenu.

 

A lire sans hésiter : si vous aimez Maupassant, vous aimerez sûrement Cobert !

 

 

 

Extrait p. 85 : « « Je suis né sur cette terre, elle est mienne, elle me revient de droit, à moi et à moi seul. Je la prendrai tel quel que soit le prix à payer ; je la prendrai comme j’ai toujours pris les femmes, de force s’il faut ! »

Et il descendit avec Suzanne inaugurer le lancement de sa campagne. »

 

p. 391 : « Que resterait-il de son parcours, de lui, si l’opprobre venait ternir tout ce qu’il avait accompli et construit ? Son immunité parlementaire était la clef de son salut et de sa postérité ; son maintien se jouerait à l’Assemblée, dans ce théâtre de tous les faux-semblants. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Escales, février 2019, 416 pages, prix : 19,90 €, ISBN : 978-2-36569-377-6

 

 

 

Crédit photo couverture : © Hokus Pokus Créations

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 50 > >>