Parker Santé a 17 ans, et la particularité d’avoir perdu la parole cinq ans auparavant, au décès de son père dans un accident de voiture dans laquelle il se trouvait également. Il préfère développer ses talents de pickpocket dans les hôtels de luxe de San Francisco que de fréquenter le lycée. Il a une façon bien à lui de voir la redistribution des richesses. C’est ainsi qu’il va faire la connaissance de Zelda Toth, une très belle jeune femme aux cheveux d’argent.
Une étrange relation va naître en eux, car s’il la dépouille de son argent, elle ne lui en veut pas pour autant, à quoi bon, elle envisage de se suicider quelques jours plus tard. Il va dès lors faire tout ce qu’il peut pour la faire changer d’avis.
J’ai adoré ce roman pour adolescents : son humour, sa fantaisie, son originalité ont fait mouche. Écrit à la façon d’un journal à la première personne, le lecteur découvre aussi que le jeune Parker consacre du temps à l’écriture de fiction, ses contes insérés dans le récit apportent une touche complémentaire à l’ensemble du roman. Si je ne suis pas fan de l’élément fantastique de l’intrigue, peu importe, je me suis laissé embarquer dans l’histoire.
Que faire de sa vie, trouver quelqu’un sur sa route qui vous redonne espoir et vous aide à croire en vous, être prêt pour le premier amour, sont quelques-uns des éléments abordés ici. J’ai aimé l’audace de l’auteur dans ses choix, sa fantaisie et sa légère impertinence dans les dialogues. Une très bonne surprise !
Nathan, février 2018, 314 pages, prix : 16,95 €, ISBN : 978-2-09-257490-4
p. 25 : « Je m’appelle Hanna Sobolev, je suis la fille d’Olga Sobolev, prostituée indépendante. Fille de pute, quoi. Je suis une insulte, la pire des insultes, celle que les gens de mon âge balancent si facilement à la tête de leurs ennemis. »
Du plus loin qu’elle s’en souvienne, Hanna a quatre ans, lorsqu’elle entre dans un magasin de chaussures. Sa mère lui dit de choisir avec la vendeuse, et pendant ce temps-là, elle file dans l’arrière-boutique avec le patron. La petite n’a pas encore les mots, mais déjà elle sait.
C’est pour la protéger de « ça » que sa mère l’enverra ensuite dans un internat loin d’elle, et la récupérera à l’âge de onze ans.
Officiellement, sa mère est serveuse de nuit dans un bar. Qu’importe, elle l’aime.
P. 29 : « Oui, je l’adore, ma mère, parce qu’elle m’a offert tout ce qu’elle n’a jamais reçu. »
Le récit à la 1ère personne alterne deux phases : celle en italique, de la course à pied qui lui redonne la force d’affronter le monde, de sa nécessité pour la jeune fille, de la rencontre, de l’amour naissant, et celle du récit de sa vie, de son histoire familiale. De la bêtise crasse des autres au collège, et de la construction de soi avec ce passé familial. Peut-elle croire en l’amour avec ce que vit sa mère ?
Un très beau texte, sur la prostitution, le jugement des autres, la violence de ce « métier », je trouve peut-être de trop le passage très pédagogique prêt à débattre en classe sur une école et une éducation égalitaires (mais le roman s’adresse avant tout à des ados), néanmoins l’ensemble est d’une grande justesse. Les phrases le plus souvent brèves donnent toute sa force au récit.
p. 61 : « Je suis le fruit d’un sale business entre un homme prêt à payer pour avoir du plaisir et une femme qui accepte le deal pour éviter de se faire buter par des mafieux »
Un indispensable.
Sélectionné pour le prix des lecteurs 13-16 ans de la Ville du Mans
et du Département de la Sarthe 2019
Actes Sud junior, coll. D’une seule voix, août 2017, 93 pages, prix: 9 €, ISBN: 978-2-330-08142-3
C’est l’histoire d’un ours qui retrouve régulièrement dans la forêt un petit lapin. D’ailleurs il rêve d’être un lapin, mais ce n’est pas possible. Parfois, c’est le lapin qui aimerait être un ours qui hiberne.Dans une nature grandiose ou sur un talus, ces deux amis devisent, mieux, ils philosophent. S'interrogent sur la vie, sur leur place ici-bas. Chaque saynète est une aventure et un élément de réflexion, parfois on rit tout simplement, de cette amitié improbable et des horreurs qu’ils se racontent. Mais toujours ils se retrouvent.
Et puis il y a ce dessin si reconnaissable de Nylso. Je l’avais découvert avec Jérôme d’Alphagraph, ce trait très fin à l’encre, comme de mini hachures, qui compose de vastes paysages, un ours assez reconnaissable et un tout petit lapin qu’il faut parfois chercher un peu plus dans la page. Somptueux.
La fin brutale d’une amitié : en voyage à Londres, Timothée va être fauché par une voiture sur le pont de Westminster par un fou de Dieu, un terroriste. Comment Étienne, son pote à la vie à la mort, au caractère bien différent mais complémentaire, va-t-il surmonter ce drame ?
Le récit à la deuxième personne du singulier par Étienne dit la douleur, la perte, le lien, la naissance de leur amitié, son évolution, leur parcours, leur jeunesse et ces trois ans de joies et délires. On sourit souvent, on comprend, l’empathie de chacun devient celle du lecteur également. Boom, c’était un tic de langage de Timothée, c’est aussi le choc de l’acte terroriste.
Un texte bref, au scalpel comme souvent dans cette collection, très fin, au ton parfait, et qui donne envie d’aller voir ce que l’auteur a déjà écrit par ailleurs.
P. 12 : « Tu es parti avec ma tranquillité. Je ne dors plus, je vis mal, mes nuits sont bruyantes et mes journées de viennent de longs tunnels silencieux. »
Actes Sud Junior, coll. D’une seule voix, avril 2018, 110 pages, prix: 9,80 €, ISBN : 978-2-330-09685-4
J’ai découvert Bruno Duhamel récemment par son album « Jamais »; aussi ai-je eu la curiosité d’aller voir ce qu’il avait fait avant.
J’ai lu Le retour, un scénario bien différent, mais une construction hyper intéressante et une plutôt bonne intrigue. Il explique dans la préface s’être très librement inspiré de la vie de l’artiste César Manrique (1919-1992).
Cristobal, un artiste revenu au pays, sur son île de Lanzarote, est horrifié de voir à quel point la nature est sacrifiée au profit d’un tourisme immobilier d’une grande laideur et combien l’appât du gain fait des ravages. Mais Cristobal est aussi très mégalo et apte à se mettre très vite tout le monde à dos. Aussi quand il est retrouvé mort dans un accident de voiture, l’inspecteur Claudio Ramirez est chargé d’enquêter discrètement : meurtre, suicide ou banal accident ?
J’ai beaucoup aimé les allers-retours temporels, et le choix des couleurs qui y est associé, la beauté des décors (et notamment quelques doubles pleines pages qui font à la fois un focus dans le récit et un tableau à contempler !) De même la relation au père, au couple, l’impétuosité du personnage sont des éléments psychologiques très bien conduits.
Le sujet m’a moins séduite que « Jamais » mais j’ai néanmoins beaucoup aimé cette palette de l’auteur.
Bamboo éd., collection Grand Angle, mai 2017 ; 96 pages : prix : 18,90 €, ISBN : 978-2-8189-4097-6
En rentrant chez elle, Linn, la trentaine, retrouve son amoureux en fâcheuse posture avec une de ses amies. Son petit monde s’écroule, d’autant qu’elle travaille dans l’entreprise de ses beaux-parents, et ne se voit pas continuer comme si de rien n’était. Elle décide de partir sur le champ, mais c’est à ce moment-là que sonne un exécuteur testamentaire qui lui annonce qu’elle vient d’hériter d’une maison d’une valeur de 11 millions de dollars dans les Hamptons, sur l’île de Long Island, dans l’état de New-York, d’une vieille tante qu’elle n’a même pas connue.
Elle quitte l’Allemagne avec un maigre bagage, va aller de surprise en surprise en découvrant la beauté du lieu mais aussi que cette gigantesque bâtisse est toujours habitée par cinq retraités qu’elle ne veut pas mettre à la porte.
On pourrait penser, après ce postulat peu crédible, (et je l’ai pensé très fort) que tout est cousu de fil blanc, qu’elle va trouver un moyen de sauver la maison, que tout ce petit monde va vivre ensemble, et qu’elle va bien sûr tomber amoureuse du fils d’une pensionnaire qui vient faire quelques menus travaux.
Eh bien oui et non, car le déroulement de l’intrigue fut plutôt une bonne surprise, et se veut un brin plus complexe qu’attendu. On y côtoie le monde de l’art, des personnalités sans scrupules, des hésitations sincères de la part de l’héroïne, un cheminement plus retors qu’imaginé ; je me suis plutôt laissé prendre au jeu.
Un roman feel-good certes, mais qui emprunte des voies moins convenues que prévues : un bon premier roman allemand à conseiller pour une lecture détente.
L’archipel, juin 2018, 393 pages, prix : 22 €, ISBN : 978-2-8098-2441-4
Boris écrit une lettre à ses parents, qu’il n’a pas vus depuis sept ans. Il a volontairement coupé les ponts. L’incipit est incisif, la rancœur est toujours présente : « J’espère que cette lettre empoisonnera votre journée ».
Boris est malade, son ex-femme lui refuse tout contact avec ses enfants, bref, rien ne va. Il ne veut pas pour autant qu’on s’apitoie sur son sort, juste régler ses comptes. Sur le conseil de son psychiatre avec qui sa sœur Charlotte correspond également, toute la famille d’abord proche puis étendue, se met à s’écrire de vraies lettres, à l’ancienne. De celles qui nécessitent de se poser.
Si la première moitié est très bien menée, plaçant bien les relations parentales et fraternelles, avec des réflexions de fond intéressantes sur la famille, la seconde partie, à trop vouloir se disperser, s’essouffle et tourne en rond. Au final peu de réponses sont données si ce n’est certains liens qui se sont un peu renoués, et encore, artificiellement et de manière sans doute éphémère.
Si l’idée (et le titre !) étaient bien séduisants, l’ensemble est décevant, ne tenant pas l’intérêt du lecteur sur la longueur. Fort dommage.
Ed. Flammarion / Versilio, mai 2018, 246 pages, prix : 17,00 €, ISBN : 978-2-0814-3462-2
Timoto aime très beaucoup sa maman, et pour le lui dire, il lui écrit un poème ; un long poème. Mais il faut aussi un cadeau avec et ça devient de plus en plus cocasse. Aimer, c’est beaucoup de travail et c’est aussi très salissant ! Timoto le roi des bêtises toutes mignonnes !
L'occasion aussi de discuter avec son enfant de l'amour, des cadeaux et du lien qui peut exister entre les deux !
Timoto veut un vrai cheval, comme les indiens, comme dans les films de Cow-boys. Mais son papa lui dit qu’il est trop petit, il peut faire du poney. Non non non, pas de poney, ni de double poney, ni de bombe sur la tête. Vexé et un peu en colère, Timoto va encore inventer de sacrées bêtises, heureusement papa est là !
Deux beaux albums sur l’amour entre parents et enfants, la complicité avec le parent, la frustration, l’envie d’être grand, et l’imagination débordante des petits.
Taguée par ICB, pardon, TAR, je me prête volontiers au jeu des questions-réponses sur les coulisses du blog …
Avis, Critique, Recension et/ou Ressenti ?
Avis et ressenti selon moi, recension selon les professionnels qui ont référencé mon blog. En tous les cas à mon sens, rien de professionnel, juste l’envie de partager, essentiellement sur un ressenti.
Le choix du livre
Parfois l’envie de suivre un auteur, une nouveauté dont le thème m’interpelle, un achat fait pour la bibliothèque, une nouveauté à paraitre en service de presse, un titre noté chez un blogueur, un titre noté dans le fil d’info des éditeurs, une recommandation du club lecture auquel je participe, des livres non choisis pour un jury littéraire, des titres pour un prix des Lecteurs que j’organise, des lectures professionnelles, en tous les cas toujours plus de livres que de temps dont je dispose pour les lire. Parfois juste l’envie d’en prendre un au hasard, plaisir que je me refuse trop souvent.
Cas particulier : parfois, pas besoin de choisir, les livres viennent à toi via les SP, ou Service de presse.
De moins en moins parce que je ne suis pas un bon retour sur investissement. Je demande extrêmement rarement, je reçois parfois, je tarde toujours trop à les lire.
Je ne précise quasi jamais la provenance des ouvrages dans mes billets (la plupart sont des livres empruntés à la bibliothèque), je ne supporte pas les billets qui commencent par remercier le site participatif, la maison d’édition et l’attachée de presse, qui plus est en collant tout cela sur un site marchand qui n’a rien à voir avec le schmilblick. Quand je lis un billet, ce qui m’intéresse c’est l’avis sur le livre, pas sa provenance. Et avec le vaste réseau de lecture publique en France (et les échanges entre amis) il y a moyen de lire gratuitement, donc SP ou pas, je m’en moque.
Mettre ou ne pas mettre la quatrième de couverture ? That is the question
Jamais. Ou alors une fois ou deux un jour de très grosse flemme, ou quand elle est si parfaite que mon résumé personnel sera trop ridicule. Et à condition qu’elle soit courte.
La plupart du temps je ne les lis même pas le livre en main, je ne vais les lire que lorsque je ne comprends rien à ma lecture, ce qui est mauvais signe.
Souvent longues et louangeuses, elles n’apportent rien à l’avis que j’attends lorsque je lis un billet de blog, donc je ne vais pas les mettre moi-même !
Prise de note
J’aimerais pour mieux retrouver mes petits au moment de la rédaction, mais comme je lis surtout au lit, j’ai vraiment la flemme et c’est peu pratique.
Je me contente en général de mettre des post-it sur les passages que je veux retrouver, mais attention je suis maniaque, ils sont nécessairement à l’horizontale sur la ligne du début de l’extrait qui m’intéresse.
Rédaction à chaud, le jour même ou le lendemain selon l’heure, si je laisse reposer, la paresse l’emporte et je ne le fais jamais. En 10-15 minutes environ. Sur traitement de texte toujours avant de copier-coller sur la plateforme de blogging.
Serré ou plutôt long ?
Serré j’imagine, mais pas toujours, j’ai besoin d’aller à l’essentiel quand je lis un billet ailleurs, je privilégie donc les billets courts, mais suffisamment étayés pour me donner envie. J’essaie d’être synthétique et efficace, tout en argumentant suffisamment, l’exercice est difficile !
Divulgâcher, moi ! Jamais
Je pense essayer de ne pas le faire. Ou alors il faudrait vraiment que le bouquin soit d’une nullité absolue, prenne le lecteur pour un idiot et ne vaille pas la peine d’être lu.
C’est souvent difficile en jeunesse où la chute des albums en fait tout le sel. Donner envie sans tout dévoiler ; en même temps, ce type de billet sera lu par un parent médiateur qui aime savoir ce qu’il achète pour son gamin et pourquoi il achète ce livre, ou un médiateur du livre qui est là pour des raisons professionnelles.
Ils en pensent quoi les autres blogueurs ?
De quoi ? de mon blog ? du livre dont je parle ?
Est-ce que je vais lire ce qu’ils pensent du livre avant d’écrire ? avant non, pour ne pas me laisser influencer. Après parfois. J’aime trouver des avis divergents.
Citation
Ça m’arrive, mais souvent ça ne me parle qu’à moi, c’est un passage qui m’a touchée et qui n’est pas forcément le reflet du livre si je dois donner envie à d’autres de le lire.
Taguer ses billets
Juste les ranger dans la bonne case : romans français/francophones, étrangers, essais / docs, BD, jeunesse, etc. Sans doute un défaut de bibliothécaire.
Noter ses lectures
Vaguement, avec le système d’étoiles d’Amazon.
Les affiliations
Aucune. Mon blog n’a aucune vocation professionnelle. Au contraire il me coûte de l’argent puisque je paye pour virer la pub.
La reconnaissance
Elle est arrivée toute seule en 2008 ou 2009, quand la BNF (Bibliothèque Nationale de France) m’a référencée dans ses signets, avec 24 autres blogs littéraires. C’est pour moi peut-être la première reconnaissance qui vaille. Je ne l’ai pas cherchée, j’ai d’ailleurs découvert ces signets de la BNF tout à fait par hasard. C’est ce jour-là que j’ai acceptée d’être référencée sous mon vrai nom, entre Pierre Assouline, Clarabel, et Cuné.
C’est en répondant aux questions d’une étudiante en Master Métiers du livre récemment que je me suis rendu compte que ces signets n’existaient plus, annoncés en pleine refonte. On en trouve encore trace sur archive.org.
Je ne cherche ni ne pense à la reconnaissance au quotidien. Je fus même perplexe tout récemment quand une blogueuse me demandait comment je faisais pour être visible puisque je n’utilisais ni Twitter ni Instagram, ni les sites participatifs ni page Facebook pour le blog. Je ne cherche tout simplement pas à l'être.
La reconnaissance est dans la fidélité des (vieux) lecteurs, probablement, et des auteurs, qui se reconnaitront.
Des bises,
(je ne tague personne, mais si le jeu vous tente, jouez !)