Les jardins d'Hélène

Nous vivions dans un pays d’été – Lydia Millet

27 Août 2021, 15:27pm

Publié par Laure

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Caroline Bouet

 

Une maison d’été entre amis au bord d’un lac. Les ados et enfants se rebellent normalement face à leurs parents, mais cela ira bien plus loin, face au comportement totalement indolent et insouciant des adultes qui privilégient leurs petits plaisirs personnels : alcool, drogue et sexe.

Quand une tempête cataclysmique s’annonce, les enfants prennent les choses en main, écœurés et inquiets de l’absence de réactions appropriées de leurs parents. Le récit bascule dès lors dans une atmosphère post-apocalyptique. On pense inévitablement à Dans la forêt de Jean Hegland, ou la route de Cormac McCarthy. Entre fuite et survie, les jeunes ont pris la place des adultes qu’ils rendent responsables de tout ce qui arrive, tant à la planète qu’à leur groupe.

Le thème n’est pas nouveau mais il apporte une écriture et un point de vue neufs qui rendent saisissant ce roman, notamment par quelques scènes inoubliables. Je me suis parfois perdue dans les nombreux personnages mais celui d’Evie qui mène le récit est un bon point d’ancrage pour entrer dans ce « monde à l’envers ».

 

 

 

 

 

Ed. Les Escales, août 2021, 256pages, prix : 21 €, ISBN : 978-2-36569-570-1

 

 

Crédit photo couverture : © Hokus Pokus créations / et éditions les Escales

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Résidence beau Séjour - Gilles Bachelet

26 Août 2021, 15:46pm

Publié par Laure

Le groloviou a détrôné la licorne dans le degré de mignonitude animalière auprès des petites filles et des petits garçons, alors on envoie ces pauvres bêtes cornues se reposer à la résidence Beau Séjour, où les activités sportives et de loisirs ne manquent pas. Coiffeur, pâtisserie, tout y est.
Mais voilà, les modes sont éphémères et les réseaux sociaux y contribuent grandement, l'une chasse l'autre et ainsi de suite.
Et pourquoi est-il interdit de descendre au sous-sol ? Que cache-t-il ?


Le lecteur adulte connaisseur de l’œuvre de Bachelet et de la (bonne) littérature jeunesse en général saisira de suite les clins d'oeil malicieux de l'artiste. Car oui c'en est un, tant dans le dessin que dans le texte, bourré de références (et je suis sûre que j'en ai manquées !), le cinéma, la peinture dans les tableaux aux murs, Hello Kitty, Casimir, les Pokémon, Caliméro, le poussin de Ponti, le merveilleux chat de l'auteur lui-même, etc. etc.
Un bonheur, un régal je vous dis !


Merci monsieur Bachelet de faire d'aussi beaux et bons livres qui réjouissent autant les enfants que leurs parents et grands-parents !

 

 

 

 

Seuil jeunesse, novembre 2020, 36 pages, album 34 cm, prix : 15 €, ISBN : 979-10-235-1419-3

 

 

Crédit photo couverture et illustrations : Gilles Bachelet et éd. du Seuil.

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Graines de bandits - Yvon Roy

22 Août 2021, 18:46pm

Publié par Laure

Je n'ai pas été touchée par cette BD tranche de vie, même si j'ai aimé le dessin. Le récit retrace l'enfance de deux frères dont le père avait des rêves de paradis perdu en construisant une belle maison dans le nord de l'Amérique. Mais de désillusion en désillusion, tout ne fut qu'amertume. Ils emménagent dans une maison en chantier, la mère sombre dans la dépression et devient violente avec ses enfants, le père se réfugie dans une secte... alors les enfants s'évadent dans des jeux de gamins qui tournent parfois à la petite délinquance de mômes perdus. Difficile dans cet univers de se faire des amis et de s'éveiller aux sentiments amoureux quand on n'a pas vraiment de modèle sous les yeux.
Comment aimer quand on est malheureux ?
Un goût d'inachevé pour cette BD dont on aimerait suivre davantage les personnages, celui de la mère notamment, et de sa relation à ses enfants.

 

Du même auteur j'ai préféré Les petites victoires, BD autobiographique parue en 2018

 

Rue de Sèvres, août 2019, 166 pages, prix : 18 €, ISBN : 978-2-369-81101-5

 

 

 

Crédit photo couverture :  Yvon Roy et éd. Rue de Sèvres

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L'amour par temps de crise - Daniela Krien

18 Août 2021, 10:51am

Publié par Laure

Traduit de l’allemand par Dominique Autrand

 

Cinq histoires de vie, celles de Paula, Judith, Brida, Malika et Jorinde, toutes dans la quarantaine. Toutes différentes, leurs parcours amoureux, de mère, de femme, se succèdent dans le récit et se relient, car elles se connaissent les unes les autres. Elles sont libraire, médecin, écrivain, professeur de violon, actrice, et racontent leurs rapports aux hommes, à la famille, leur ambition professionnelle et personnelle, leur difficulté à accomplir leur choix, la place des enfants dans le couple…

Un roman intimiste qui démarre lentement, l’écriture est simple et d’emblée se présente comme une évidence : précise, élégante, elle traduit toutes les émotions des personnages. Contemporain, sociétal, j’ai vraiment beaucoup ce roman !

 

 

 

 

Albin Michel, Août 2021, 327 pages, prix : 19,90 €, ISBN : 978-2-226-44921-4

 

 

 

Crédit photo couverture : © Peinture d’Eric Zener, Faith © Eric Zener / et éd. Albin Michel

 

 

 

 

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L’année des pierres – Rachel Corenblit

17 Août 2021, 09:01am

Publié par Laure

 

Daniel Mayer, 17 ans, en rupture scolaire et avec sa famille, est envoyé en Israël par ses parents, songeant que l’éloignement dans un lycée français fera du bien à tous. Il y retrouve neuf autres jeunes tous plus ou moins dans une situation ayant nécessité la même séparation.

Le roman s’ouvre sur une scène de caillassage de bus dans lequel se trouvent les adolescents, à Jéricho, en décembre 1987. C’est le début de la première Intifada, opposant les Palestiniens aux Juifs israéliens.

Si le thème s’annonçait intéressant, j’ai été un peu déçue par ce roman, qui je crois, veut trop en faire et perd un peu son lecteur en chemin. D’abord il y a l’histoire de Daniel, de son rapport à ses parents, l’histoire de son grand-père dont il apprend l’existence à l’occasion de ce départ, et donc l’histoire de la rupture de sa famille, son passé, les vies de ces ados aux profils variés dont on peine parfois à se souvenir qui est qui et ce qu’il fait là, et surtout l’histoire politique d’Israël, qui au final sert de cadre dramatique mais est peu exploitée. Ou du moins j’en attendais plus. Sans oublier les histoires d’amours naissantes adolescentes, mal-être et j’en passe.

Il y a aussi cette temporalité flashforward / flashback / temps présent / qui ne facilite pas les choses. Pour moi l’essentiel de l’histoire, c’est celle du grand-père et de la transmission, du secret enfin dévoilé, plus que « l’année des pierres ».

Un roman pour les ados (dès 14 ans) qui pour moi s’est un peu trop éparpillé dans ses thèmes abordés.

 

 

Casterman, coll. Ici/maintenant, août 2019, 412 pages, prix : 16 €, ISBN : 978-2-203-18641-5

 

 

Crédit photo couverture : © Laurent Rivelaygue et éd. Casterman.

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Le bois – Jeroen Brouwers

15 Août 2021, 17:23pm

Publié par Laure

Traduit du néerlandais par Bertrand Abraham

 

Dans les années 1950 aux Pays-Bas, Eldert Haman, laïc, intervient comme professeur d’allemand dans un monastère franciscain. Très vite enjôlé, il y deviendra Frère Bonaventura, perdant en même temps tout ce qui faisait sa vie civile : biens, papiers, argent… Il devient surveillant du pensionnat des jeunes garçons, où il peine un peu à se plier aux règles strictes et inhumaines. Lorsque le jeune Mark Freelink disparaît, connaissant la violence du directeur Mansuetus, dont « le bois » n’est jamais loin, un climat de peur et d’angoisse règne.

A travers son personnage principal et les différents moines à l‘œuvre dans ce monastère, l’auteur va décrire avec talent l’hypocrisie de l’Église catholique, les violences sexuelles, abus, viols que les hommes y pratiquent sur la jeunesse, mais aussi le sadisme et le dénuement des conditions de vie qui sous couvert d’ascèse sont tout bonnement inhumaines.

Plusieurs scènes d’anthologie mettent mal à l’aise le lecteur, décrivant des actes sexuels barbares où tous n’ont qu’une seule obsession : leur sexe. Seuls ou sur leurs victimes, ils s’y adonnent ardemment dans le plus grand silence. Personne n’osera jamais dénoncer ces actes car l’embrigadement et les réprimandes sont forts et les autorités religieuses supérieures efficaces. Les conditions d’hygiène et d’absence de soins sont telles qu’elles délivrent aussi des passages éprouvants. Mais heureusement il y a aussi des scènes qui font sourire et qui redonnent un peu d’espoir quand Bonaventura se trouvera dans les bras d’une femme. Quel bouillonnement et quel fleurissement du langage tout à coup ! Aura-t-il le courage de fuir et de changer de vie ?

Un très bon roman, dense (au texte justifié sans paragraphe et très peu d’alinéas) qui demande au lecteur du temps et de la concentration, mais la lecture n’en demeure pas moins aisée, tant l’écriture se fait virtuose.

 

Extraits :

P. 85 : « […] avant d’entrer en religion, je m’appelais Eldert Haman. Ce nom a disparu. Tout comme mon vélo. Celui qui se dépouille de son nom n’a littéralement plus d’existence ; il est comme ces corps de qui les tombes, dans les cimetières sont devenues anonymes. Saint François nous parle du corps qui doit se soumettre, comme s’il était mort. Nous menons, à l’écart du monde extérieur, une vie de mortification, sans pensées qui nous soient propres et a fortiori sans vues ou idées personnelles, que nous devons rejeter comme autant de vanités. Nous n’avons pas de passé et sommes donc censés ne pas avoir de souvenirs. L’état de sainteté ne peut être atteint que par un renoncement au monde matériel, dont notre corps fait partie. Ce dernier ne nous appartient plus mais est le temple de l’esprit sain.

Je suis donc ici, moi, Eldert Haman, comme si je n’existais pas. »

 

p. 249 : « Elle : frapper de jeunes garçons à coups de bâton, leur tripoter la bite, faire plus et pire encore, est-ce cela la vertu ?

Seuls quelques-uns d’entre nous agissent ainsi, ai-je objecté. Ne t’inquiète donc pas pour ça.

Elle : si. Cette petite minorité abuse sans vergogne de son pouvoir sur ces gamins, et toi, tu la fermes, comme le reste de la bande, car la puissance que confère cette suprême robe s’impose à toute votre communauté confite en dévotion et faite de trouillards et de poules mouillées. Tu es complice, tu le sais bien. »

 

 

Gallimard, coll. Du monde entier, octobre 2020, 352 pages, prix : 22 €, ISBN : 978-2-07-272024-6

 

 

 

Crédit photo couverture : © Stephen Mulcahey / Trevillion Images (détail) / et éd. Gallimard

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Le jardin secret - Maud Begon

6 Août 2021, 07:46am

Publié par Laure

d'après le roman de Frances H. Burnett / Première partie

 

Je ne connaissais pas le roman de Frances H. Burnett mais j'ai beaucoup aimé cette adaptation en BD par Maud Begon (cet album est la première partie d'un diptyque). Il me tarde de connaitre la suite !

En 1910 aux Indes, la petite Mary est orpheline, sa famille décimée par le choléra. Elle est rapatriée en Angleterre, au manoir de Misselthwaite, chez un oncle mystérieux qui ne souhaite pas la voir,  solitaire depuis qu'il a perdu sa femme dix ans auparavant. Mary est donc accueillie par la bonne, ce qui nous vaut un échange truculent, Mary étant d'une effronterie sans nom. Mais par la force des choses elle va découvrir son nouvel univers, et un jardin secret de roses où elle pourrait bien s'épanouir.

Classicisme de l'histoire (parfaite pour les 9-12 ans), illustrations et couleurs absolument magnifiques (au jardin notamment), comme j'aurais aimé lire cela enfant !

 

Dargaud, avril 2021, 94 pages, prix : 16,90 €, ISBN : 978-2-205-08916-5

 

 

Crédit photo couverture : Maud Begon et éd. Dargaud

 

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Les mains de Ginette – Olivier Ka et Marion Duclos

5 Août 2021, 09:11am

Publié par Laure

En 1962, la droguerie de Marcelin prospère. Il vend de tout pour les ménagères et sa spécialité, ce sont les gants. Pour le ménage, les petits travaux, … il ne se lasse pas de regarder les mains des femmes pour mieux les conseiller. C’est ainsi qu’il fait la rencontre de Ginette, employée à la poste. Le couple emménage et très vite Ginette se montre jalouse et tyrannique. Violente et désagréable. Les copains de Marcelin tentent bien de le mettre en garde mais l’amour le rend aveugle et résigné.

C’est une histoire dramatique que celle de Ginette et Marcelin, conséquences tragiques d’un désamour originel. Les violences conjugales et l’emprise sont traitées dans un sens inhabituel : c’est la femme qui est maltraitante. Le dessin de Marion Duclos est paradoxalement frais et coloré, ce qui m’a plu. Mention spéciale pour la couverture. « La Crabe » comme la surnomment les rares villageois qui lui parlent encore porte une terrible histoire joliment construite ici, aussi bien dans le scénario que le dessin.

 

 

 

Delcourt, coll. Mirages, mars 2021, 97 pages, prix : 16,90 €, ISBN : 978-2-413-01948-0

 

 

Crédit photo couverture : © Marion Duclos et éd. Delcourt

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Juillet 2021 en couvertures ...

31 Juillet 2021, 22:39pm

Publié par Laure

En juillet j'ai lu :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En juillet j'ai vu :

 

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Que sur toi se lamente le Tigre – Emilienne Malfatto

24 Juillet 2021, 14:25pm

Publié par Laure

« Le médecin venait de Bagdad, ça s’entendait à son accent. Il était très jeune, cuivré sous sa blouse bleu ciel. Il a palpé mon ventre, doucement. Il avait les mains légères. Les coups lui ont répondu. Il n’a pas eu besoin de me poser de questions. Il s’est redressé, a retiré ses lunettes, les a essuyées longtemps sur un coin de sa blouse. Il a eu l’air beaucoup plus vieux, infiniment las. Il a remis ses lunettes, m’a regardée. Cinq mois, peut-être plus. L’infirmière ne bougeait pas. Ma fiche indiquait que je n’étais pas mariée. Alors c’était comme une sentence de mort. En une phrase, le médecin avait placé ma tête sur le billot. J’ai écouté ma sentence comme à travers du coton. Mon corps n’était plus que ventre. » (p. 20)

On ne connaîtra pas son prénom, seulement ceux de ses frères, de ses sœurs, le nom du fleuve qui coule près de chez elle, quelque part en Irak. Chacun prend part au récit, menant à la mort annoncée de la jeune mère qui a aimé hors mariage. Son amoureux est mort à la guerre. Son père est mort également, c’est donc son frère aîné qui se doit de sauver l’honneur de la famille.

En moins de quatre-vingts pages, Emilienne Malfatto livre un premier roman fort, à l’écriture économe et somptueuse, qui dénonce le poids du patriarcat : (p.72) « Les femmes de la famille doivent rester propres. Pures. Intouchées. Au prix du sang. Notre corps ni notre honneur ne nous appartiennent. Ils sont la propriété familiale. La propriété de nos pères et de nos frères. »

Une tension magnifiquement écrite vers une fin qu’on aimerait autre. Très beau premier roman.

 

 

Elyzad, septembre 2020, 77 pages, prix : 13,90 €, ISBN : 978-9973-58-122-8

 

 

Crédit photo couverture : © Emilienne Malfatto / design © Héla Chelli / et éd. Elyzad

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