Cet album jeunesse est la suite de "Comment attraper un ours qui aime lire" mais peut bien évidemment se lire indépendamment. Une nuit d'été, Julie et ses amis font du camping dans la forêt. Tous attendent le moment de la tombée de la nuit pour leur rituel de lecture du soir. Mais Julia a oublié son livre ! Arrive l'ours Bertrand qui les embarque sur son radeau pour une visite à la bibli - Les ours n'ont pas de carte de bibli mais la bibliothécaire (une chouette qui s'appelle Josette) en laisse toujours à l'extérieur. Ils veulent une histoire pour s'endormir qui se passe de nuit, en mer, avec un sauvetage héroïque et des personnages très courageux ! Odile a de l'expérience, elle leur trouve cette histoire qui ressemble curieusement à la leur.
Les illustrations sont belles et colorées, lumineuses bien que l'histoire, toute mignonne, se déroule de nuit, dans des tons de bleu essentiellement. Cet album me rappelle un peu la série "Edmond et ses amis".
Une dernière double page explique les noms animaliers des constellations et un QRcode permet d'écouter la chanson de Julia.
Editions Chouette / CrackBoom!, janvier 2023, 36 pages, prix : 11,90 €, ISBN : 978-2898023224
Je n'ai pas lu le roman de Flore Vesco dont est tirée cette adaptation, mais j'aime beaucoup les autres romans que j'ai pu lire d'elle. Cette BD est un vrai régal tant au niveau du scénario façon intrigues à la cour qu'au niveau des illustrations et couleurs.
Serine, pour aider sa famille sans le sou après le décès de son père, plutôt que de se marier avec le premier venu au porte-monnaie bien rempli, préfère tenter sa chance comme demoiselle à la cour et servir la Reine. Mais son esprit vif et sa tendance à bousculer les convenances seront vite repérés. Elle attise bien des jalousies, et devient victime de quelques servantes et autres maniganceurs. On ne veut pas d'elle ? elle revient illico en fou du roi, espiègle, habile en jeu de mots et d'esprit.
L'humour et les rebondissements ne manquent pas et les cases aérées (non tracées) facilitent la lisibilité et la clarté. Une bouffée d'air frais à la Cour, sourire et yeux pétillants pour le lecteur !
Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Stéphane Vanderhaeghe Préface de Brian Evenson
Ma première lecture de 2023 est on ne peut plus déroutante. Le genre de livre brillant par le style mais répugnant par l'histoire. On ne peut pas aimer ce livre, on est même parfois tenté de l'abandonner tant il est glauque et dérangeant. Et pourtant, l'écriture dépouillée, précise, et les nombreux non-dits qui font sens pour le lecteur lui confèrent toute sa force.
Sloper est agent d'entretien dans un immeuble de bureaux quelque part aux États-Unis. Il ramasse les déchets des autres (le titre original est waste : déchets, gâchis) et récupère dans les corbeilles les restes de nourriture qu'il mange chez lui le soir, dans la cave qu'il loue dans la maison de sa propre mère. Car Sloper n'a pas accès à l'étage, il vit au sous-sol, et n'a d'échange avec sa génitrice que le loyer qu'il lui glisse sous la porte.
Tout bascule quand il découvre un corps qui bloque le vide-ordures sur son lieu de travail. Je n'en dis pas plus.
Un bijou de littérature dérangeante, qui évoque pour certains Chuck Palahniuk et Bret Easton Ellis (je ne les ai pas lus). Si vous aimez les feel-good books, passez votre chemin sans hésiter !
La préface de Brian Evenson dit très bien ce que j'exprime maladroitement :
p. 10 : "Ordure est un livre dont il faut faire l'expérience - pas un livre qu'on aime. Il faut le traverser, le vivre, le subir même : ce n'est pas quelque chose pour lequel on éprouve du plaisir. Il st doté de cette dimension viscérale avec laquelle il passe en revue, sans la moindre concession, les paramètres implacables d'une froide existence." [...] p. 13 : "Ordure est un livre puissant et original, une réussite majeure, qui montre de manière on ne peut plus authentique toute l'étendue d'un style minimaliste."
Emprunté par hasard en médiathèque où il était sur le présentoir des nouveautés.
Quidam éditeur, janvier 2022, 103 pages, prix : 13,50€, ISBN : 978-2-37491-253-0
Crédit photo couverture : Hugues Vollant et Quidam éditeur.
Olivia, souvent surnommée Olive, quitte le collège pour se consacrer aux vacances d'été avant le lycée. Copines, repos chez sa grand-mère, stage de journalisme imposé par les parents occuperont ces deux mois. Elle rencontre Éole, danseur.euse queer, qui la bouleverse et la fait s'interroger sur sa propre identité. Des questions, elle en a plein la tête, sur la sexualité, le genre, qui la ramènent sans cesse à son propre corps de fille cis-genre qui la perturbe beaucoup. Ce sera bien sûr l'été des expériences variées, de la curiosité et des émois chavirants.
Sans doute le moins érotique et le plus pudique de la collection, ce titre n'est de loin pas mon préféré. A trop vouloir en faire et s'éparpiller, il finit par en desservir le propos.
Le choix de l'écriture inclusive et des pronoms neutres iel, elleux, etc. se veut trop démonstratif et omniprésent, dérange la lecture. Faut-il en faire autant pour aborder la non-binarité ? Le personnage d’Éole aurait mérité à lui seul la place centrale et d'être plus approfondi. Y ajouter Ivan, Sidonie permet de varier les expériences de la quête d'identité mais dilue le sujet.
A vous de voir.
Thierry Magnier, coll. L'Ardeur, septembre 2022, 256vpages, prix : 15,90 €, ISBN : 979-10-352-0567-6
Crédit photo couverture : Cha Gonzalez et éd. Th. Magnier.
Premier volume de ce qui est annoncé comme une tétralogie,“Par l’Ouest, vers les Indes” place son lecteur au cœur de l’aventure sur la caravelle de Christophe Colomb, le Santa Maria. Ana et Domingo sont deux jeunes qui gagnent un peu d’argent en aidant à charger les navires. Sans le vouloir ils se retrouvent coincés à bord et en route maritime... vers les Indes ! Récit d’abord classique, on se plonge avec délice en 1492, on sourit au sacré grain dont les auteurs ont affublé le señor Colomb, et on se familiarise avec la vie à bord. Jusqu’à la grande cascade, “les chutes du bout du monde” – car ici la Terre se révèle plate – qui fait tomber nos personnages dans l’Entremonde, cet univers où ont échoué tous les autres. Tout devient fantastique, à commencer par les personnages très différents tels que Melvin le loup, Barbe-Taupe le cacatoès, Sam, Sasha, etc. Les dialogues sont souvent drôles et le dessin très coloré et chatoyant ajoute la touche d’exotisme qu’il faut.
Mais il va falloir attendre les 3 autres tomes....
Dès 9 ans et sans limite d’âge
Glénat, septembre 2022, 94 pages, prix : 16,95€, ISBN : 978-2-344-04797-2
Tom, la cinquantaine dépressive, tient un magasin de compléments alimentaires pour bodybuildés. Témoin de violences conjugales devant sa boutique il prend sous son aile une jeune femme perdue sans papiers, répondant au surprenant prénom de N7A. Enceta ? Non non N7A. Cette belle rousse affirme être une vache génétiquement modifiée pour avoir l’apparence d’une femme.
Autant dire que c’est un brin compliqué quand il la ramène chez lui, entre sa femme qui ne comprend pas, son père rescapé de la Shoah qui vient finir son cancer sur son canapé, et son fils largué par sa copine qui retrouve lui aussi sa chambre au foyer parental, tout cela le même jour.
Dès lors c’est absurde, burlesque et profondément réaliste - oui c’est paradoxal – mais tellement de réflexions contemporaines sur le spécisme, le bonheur, la vie de couple, la judéité, le genre et j’en passe se mêlent que le mélange en est vraiment réjouissant.
Chaque chapitre porte le nom d’un muscle, Gunzig s’amuse (et nous rappelle sa belgitude par quelques septante et nonante, tout en portant un regard très pertinent sur le monde, et depuis Feel Goodje le suis avec plaisir. Avec ce dernier roman, il ne me déçoit pas.
Extraits :
p. 125 : " - Je sais très bien qui je suis ! le coupa N7A. Je suis une vache génétiquement modifiée qui ressemble à une jeune femme et mon nom est un numéro de série !
- Voilà, fit Jade, elle sait très bien qui elle est et elle sait très bien ce qu'elle veut ! Mais évidemment, comme vous êtes un homme, quand une femme ne pense pas comme vous, c'est qu'elle a forcément tort et vous ne pouvez pas vous empêcher de lui expliquer... C'est ce qu'on appelle le "mansplanning" mais ça, votre esprit étroit ne l'accepte pas !"
p. 119 : "L'appartement de Jérémie et Jade se trouvait dans un quartier qui avait été, quelques années plus tôt, un quartier populaire. Le genre de quartier qui avait attiré la plupart de ses habitants "d'origine étrangère" avec les loyers bon marché qu'on y pratiquait alors. Il y avait des boucheries hallal, des boulangeries marocaines, des salons de thé dans lesquels des hommes taciturnes fumaient la chicha. Ce quartier évoquant le désordre et la désinvolture propres aux petites villes méditerranéennes avait, pendant des années, servi d'argument électoral à la fois aux partis de droite nationaliste mettant en garde la population contre un hypothétique "Grand remplacement" et aux partis de gauche militant pour la richesse de la diversité et ses supposés avantages pour la civilisation. Aucune de ces deux tendances n'avait envisagé que l'endroit changerait finalement de lui-même, sous l'effet d'une force contre laquelle les idéologies ne peuvent rien : l'économie. Une nouvelle génération de jeunes issus de la classe moyenne avait trouvé là un eldorado immobilier et ils s'y étaient installés, rénovant les appartements autrefois modestes en lofts, transformant les ateliers et les entrepôts en arrière-maisons avec jardin, prenant possession des épiceries et des cafés pour en faire des maisons dont les intérieurs célébraient les matériaux bruts et authentiques, les carrelages vintage et les coloris s'inspirant avec une ironie involontaire des tonalités venues d'Afrique ou du Moyen-Orient. Les prix au mètre carré s'étaient mis à grimper, , les gens "d'originaire étrangère" qui n'étaient pas encore propriétaires s'installèrent ailleurs et ceux qui l'étaient déjà revendirent leurs appartements minuscules en faisant d'importantes plus-values leur permettant de quitter ces rues et ces avenues pour profiter de leur retraite dans une banlieue aérée, comme n'importe quel bourgeois."
Au diable Vauvert, janvier 2022, 222 pages, prix : 16€, ISBN : 979-10-307-0452-5
Intéressante expérience de lecture que ce roman que j’ai abordé sans savoir de quoi il parlait, parce que je ne lis jamais les quatrièmes de couverture, choisi par hasard parce qu’une bibliothécaire l’avait placé en évidence sur une étagère de présentation, et parce que sans doute j’avais dû en entendre parler au moment de sa sortie.
Robert Ménétrier a le malheur d’être né au lendemain de la mort de son grand-père, c’est donc un hommage que de porter son prénom, mais au quotidien, il est Bobby, ou Bobinette pour ses collègues de travail. Bobby est père de trois garçons : Gaby, et les jumeaux Jimmy et Hugo. Il est en couple avec Julie, qui travaille à l’office de tourisme.
Quand un soir Bobby rentre chez lui, blessé au pouce par un accident du travail, il trouve Julie en train de se défouler sur son sac de frappe dans le garage, et il aperçoit dépasser de derrière la cuve à fuel les pieds de son meilleur ami Max. Aussitôt il imagine l’adultère et part passer le gros de sa colère dans la forêt voisine, près de Chevrotaine, Jura.
A son retour, un brin calmé, il demande à sa femme où sont les enfants, si leur journée s’est bien passée. Quels enfants ? Il fait le tour des chambres, et aucune pièce ne contient les meubles et affaires de ses enfants. Aucun signe de leur présence. Ce sont les voisins, Max et Alexa, qui ont ces enfants-là.
Le mystère est entier, le lecteur est ferré.
Mais il faudra une autre échappée en forêt pour que le roman prenne un tout autre tournant, Bobby est bien content de ne pas avoir d’enfants, tout occupé qu’il est à préserver sa liberté, et savourer son addiction aux opiacés qu’il a obtenu lors de sa blessure au pouce. Seraient-ce eux qui changent la donne ? Et on s’étonne en souriant de la pétillante Jeannette, sa grand-mère nonagénaire qui n’a pas dit son dernier mot.
Re-forêt, re-tournant.
On en sort un peu chamboulé, mais charmé, par cette tournure nouvelle dans la façon de construire un roman. On n’est sûr de rien, si ce n’est d’avoir passé un moment savoureux dans la ruralité franc-comtoise, à s’interroger sur la paternité, le couple et les aléas de la parentalité.
Étonnant, mais qui me donne vraiment envie de poursuivre ma découverte de cet auteur !
Éditions P.O.L, janvier 2020, 203 pages, prix : 18€, ISBN : 978-2-8180-4811-5